2023
Cairn
Wolfgang Krieger, « L’État de droit et la politique de renseignement en Allemagne », Études françaises de renseignement et de cyber, ID : 10670/1.2brrqv
La politique allemande de renseignement est-elle marquée par le sceau du « Sonderweg » (l’exception) ? Étroitement contrôlés, les services allemands pâtissent pourtant de l’un des plus faibles taux de confiance en Europe. Second paradoxe, alors que leurs budgets augmentent, les services brillent par leur absence au sein de la « stratégie de sécurité nationale » du gouvernement fédéral rendue publique en 2021. Ce positionnement bancal résulte de plusieurs composantes. La première est historique : le renseignement n’a jamais constitué un élément clé pour la survie de la nation allemande. En outre, la présence des forces américaines depuis les années 1950 n’a pas incité à renforcer le dispositif de renseignement. La seconde est politique : chaque acteur politique souhaite appliquer sa marque sur la question du renseignement, véritable précipité des rapports de pouvoir. Les Länder ont ainsi imposé une gouvernance éclatée du renseignement intérieur. La loi sur le renseignement extérieur en 2016, marquée par le traumatisme de l’affaire Snowden (2013), a réaffirmé les pouvoirs de la commission de contrôle parlementaire (PKGr). Enfin, le poids de la Cour constitutionnelle est majeur dans l’encadrement strict des services ; elle a ainsi percuté la mise en œuvre des capacités de surveillance électronique. De fait, le renseignement se glisse au cœur des débats politiques, certains journalistes et responsables politiques estimant une réforme indispensable pour bâtir une puissance en la matière à la hauteur du pays.