15 mai 2025
http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/copyright/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Jun Wei, « Penser la perspective avec Merleau-Ponty : thèmes et problèmes », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.2d63ae...
L'apparition de la perspective linéaire à la Renaissance a eu un immense impact sur le développement de l'art occidental. Bien que l'art moderne ait remis en question la perspective linéaire, le mode de représentation de l'espace reste aujourd'hui, à l'échelle mondiale, défini par un espace tridimensionnel basé sur les axes x, y et z, que ce soit dans la planification urbaine et la conception de paysages assistées par ordinateur, ou encore dans le design artistique de films et de jeux vidéo. L'hégémonie de ce système limite notre perception et notre compréhension d'autres modes spatiaux. Dans ce contexte, la réflexion contemporaine sur la perspective linéaire demeure pertinente. Dans le domaine théorique, l'article de l'historien de l'art Erwin Panofsky intitulé La Perspective comme forme symbolique (1924-1925) a initié des débats sur la perspective, au XXe siècle, soulevant des questions autour de la notion de forme symbolique, de perspective curviligne, de perception naturelle et de l'histoire de la perspective. Parmi ces questions spécifiques : la perspective linéaire correspond-elle à notre perception naturelle ? Est-elle le seul moyen pour l'artiste de représenter fidèlement le monde ? Quelle est la relation entre la perspective linéaire et d'autres méthodes picturales ? Après Panofsky, de nombreux chercheurs tels que John White, Pierre Francastel, André Chastel, Liliane Brion-Guerry, Ernst Gombrich, et Hubert Damisch ont également participé à ces débats, créant ainsi un riche contexte de discussions théoriques. En tant que l'un des premiers chercheurs français à avoir lu l'article, Merleau-Ponty fait directement référence ou commente les recherches de Panofsky dans plusieurs textes, y compris lors du cours intitulé « L'expérience d'autrui » donné à la Sorbonne entre 1951 et 1952, celui intitulé « L'institution dans l'histoire personnelle et publique » enseigné au Collège de France en 1954-1955, et dans son dernier texte L'œil et l'esprit. Ses réflexions sur la perception, l'expression artistique, la nature, la culture et l'histoire nous offrent un nouvel éclairage pour appréhender la perspective linéaire. Ainsi, il est légitime d'inclure ce penseur français dans les discussions théoriques susmentionnées, et de considérer comment ces questions sont traitées dans sa pensée. Plus précisément, cette étude analysera, d'une part, ses dialogues théoriques, directs ou implicites, avec d'autres théoriciens (en particulier Panofsky, Francastel, Damisch, Gombrich) et, d'autre part, si l'on pense avec Merleau-Ponty, comment certains problèmes spécifiques (comme la déformation de perspective chez Cézanne, la perspective dans les dessins d'enfants, la perspective sphérique de Léonard de Vinci, la perspective naturelle dans l'Académie royale de peinture et de sculpture du XVIIe siècle, ainsi que la « perspective » dans la peinture chinoise) sont abordés. La présente étude a pour objet de démontrer que, bien que Merleau-Ponty ait commis certaines erreurs sur des détails relatifs à l'histoire de l'art et qu'il manifeste « une oscillation » (Mauro Carbone) concernant la relation entre l'expression et la perception, il montre néanmoins clairement que la perspective linéaire est une création artistique propre à un contexte historique et culturel spécifique. À travers cette dernière et toutes les autres expressions apparues et à venir, la nature se présente dans toute sa profondeur. En même temps, l'examen de cette technique de peinture spécifique nous conduit également à découvrir que Merleau-Ponty décrit, avec le terme « système de perspectives », une nouvelle forme de perspectivisme transculturel et transhistorique, où les différents points de vue sont entrelacés et toujours ouverts. Les réflexions de Merleau-Ponty nous apportent ainsi une ouverture pour comprendre les visions de l'espace dans différents contextes culturels et historiques, et nous motivent à expérimenter et à créer de nouvelles expériences spatiales aujourd'hui.