L’arbre dans le paysage des montagnards du Centre-Viêt Nam. Evolution de la biodiversité et des services rendus depuis le début du XXe siècle

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16 mars 2016

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Amélie Robert, « L’arbre dans le paysage des montagnards du Centre-Viêt Nam. Evolution de la biodiversité et des services rendus depuis le début du XXe siècle », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.2d7e4v


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RÉSUMÉ :Depuis le XIXe siècle, plusieurs périodes se sont succédées au Viêt Nam : colonisation, guerre, collectivisation, « Renouveau » (depuis 1986). Les paysages, notamment leurs composantes arborées, n’ont pas été épargnés. Guerre, exploitation forestière, progression de l’agriculture ont transformé l’environnement des ethnies minoritaires, bouleversé les paysages des montagnes du Centre-Viêt Nam. Quelle place occupe l’arbre dans ces paysages ? Quelles en sont les évolutions, en termes de biodiversité – diversité des espèces végétales –, en termes aussi d’usages, de services rendus aux montagnards ? Résultat de recherches doctorales, la présente contribution se focalise sur la région montagneuse de la province de Thua Thiên Huê, à travers quelques exemples de villages peuplés d’ethnies minoritaires. Elle se fonde sur une connaissance endogène et exogène des paysages. Les entretiens semi-directifs menés auprès de villageois ont été complétés par l’analyse :- de la littérature et de données d’archives,- de cartes d’occupation des sols, dressées à partir de données iconographiques et de relevés de terrain.De ces recherches, il ressort une évolution majeure, entre l’avant-guerre et l’après-guerre – sans que cette guerre en soit la seule cause (Robert, 2011).Avant-guerre, l’arbre spontané est l’élément majeur des paysages des montagnards. Il peuple les proches savanes arbustives et les forêts. Situées dans le domaine tropical humide, celles-ci sont denses, à biodiversité élevée, tant en sous-bois que dans les étages supérieurs, avec des espèces ombrophiles, sciaphiles, certaines précieuses. Les savanes, elles, renferment des espèces héliophiles. Pour les montagnards, ces sylvosystèmes sont indistinctement perçus comme des forêts. Ils sont complémentaires dans la réponse à leurs besoins en bois de chauffe, bois d’œuvre et produits forestiers non ligneux – services d’approvisionnement. L’arbre spontané fait aussi partie intégrante du paysage agricole. Les montagnards pratiquent en effet l’agriculture itinérante sur brûlis où sylvosystèmes et agrosystèmes sont intimement liés. Croyant en l’esprit de la forêt, ils accordent le statut de forêts sacrées à certaines, de sorte que les sylvosystèmes offrent aussi des services culturels. L’arbre, les écosystèmes qu’il forme, sont ainsi partie intégrante du paysage des ethnies minoritaires, occupant une place majeure dans l’occupation des sols autant que dans les pratiques, les usages, les croyances. Avec la guerre, ils revêtent aussi un caractère protecteur, de refuge, dissimulant les montagnards de la vue des soldats américains. Ces derniers dirigent alors leurs attaques (bombardements, épandages d’herbicides) contre cette composante arborée des paysages.Après-guerre, les paysages changent progressivement. Les montagnards sont sédentarisés dans les vallées, où les ligneux ont été affectés par les attaques américaines. Les jachères sont réduites et la place de l’arbre dans les systèmes culturaux s’amenuise. Progression de l’agriculture et exploitation forestière entraînent l’accélération du recul de la forêt. Les sylvosystèmes denses, à forte biodiversité, sont repoussés à des distances croissantes. L’arbre dans le paysage se raréfie, se transforme aussi. Sa diversité est moindre, limitée aux espèces héliophiles près des villages. Apparaissent aussi de nouveaux sujets, à partir des années 1990 : hévéas, eucalyptus, canneliers et désormais surtout acacias forment des plantations monospécifiques. Les paysages des années 2000 sont ainsi bien différents de ceux d’avant-guerre. Les montagnards doivent s’adapter à ce nouveau contexte, modifier leurs pratiques ancestrales pour lesquelles l’arbre était centrale. L’agriculture perd son caractère itinérant et se sédentarise même, à la demande des autorités, non sans difficultés. Bois de chauffe et d’œuvre sont collectés à des distances croissantes, à moins qu’ils le soient dans les forêts plantées. Ces dernières, bien que monospécifiques, offrent des services non négligeables à ces populations, avec des retombées positives aussi pour le milieu (Amat et al., 2008). Le caractère sacré des forêts est parfois transféré à des arbres reliques, sinon à des savanes arbustives, mais non à ces forêts plantées, plutôt considérées comme des « forêts économiques ».En un peu plus d’un siècle, la place de l’arbre dans le paysage a évolué dans les montagnes de Thua Thiên Huê. Elle s’est réduite en nombre, en diversité spécifique et s’est aussi transformée avec l’apparition d’espèces, plantées. Les ethnies minoritaires, dont le mode de vie, les pratiques, les croyances étaient intimement liés aux sylvosystèmes, sont contraintes de s’adapter, d’autant plus qu’elles ont été sédentarisées. Le recul de la forêt spontanée, sous le poids des facteurs anthropiques (guerre, exploitation forestière, progression de l’agriculture), a ainsi des incidences sur la biodiversité, sur les usages et services rendus aux montagnards aussi. Pour enrayer ce recul, la solution adoptée est la plantation de forêts. Ces nouveaux sylvosystèmes offrent eux aussi des services écosystémiques. Monospécifiques, ils contredisent le lien entre arbre et biodiversité, d’autant plus qu’il existe un risque d’invasion par les acacias.Amat J.-P., B. Phùng Tửu, A. Robert, N. Trần Hữu, 2010, Can fast-growing species form high-quality forests in Vietnam, examples in Thừa Thiên Huế province, Bois et forêts des tropiques, n° 305 (3), p. 67-76.Robert, A., 2011, Dynamiques paysagères et guerre dans la province de Thừa Thiên Huế (Việt Nam central), 1954-2007 - Entre défoliation, déforestation et reconquêtes végétales, Thèse de doctorat présentée et soutenue publiquement le 3 décembre, sous la direction du Professeur J.-P. AMAT, Université Paris-Sorbonne, 1 172 p. + Atlas (159 p.)

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