1985
Cairn
Jean Hannoyer, « Grands projets hydrauliques en Syrie : La tentation orientale », Maghreb - Machrek, ID : 10670/1.2e0zgu
Ce premier essai de bilan des grands travaux hydrauliques entrepris sur l’Euphrate syrien après l’achèvement du barrage de Tabqa répond d’abord au souci de rassembler des faits sur un aspect vital autant que méconnu de la politique économique syrienne. Pour mesurer la portée de cet immense chantier qui se déploie sur les deux rives de l’Euphrate (640 000 hectares projetés à l’aménagement), la difficulté de l’information n’a d’égale que celle de l’analyse. L’entreprise revêt une importance stratégique. S’y joue l’avenir de l’agriculture syrienne et au delà, peut-être, celui de l’économie du pays. Mais s’y dessine aussi la problématique définition d’un État omniprésent et pourtant partenaire tout autant qu’agent d’une modernisation dépendante. En effet, au cœur du projet et au centre du débat s’opposent, dans une contradiction qui parcourt le corps social dans son ensemble, les deux logiques de la production et de l’allégeance. La tentation orientale pourrait donner à l’État les moyens de résoudre cette contradiction en lui laissant le contrôle politique du développement tout en augmentant la production. Mais elle se heurte aux risques d’éclatements segmentaires, réponses de la société à l’État mais aussi dans l’État. Alors qu’en conséquence restent encore ouvertes les options théoriques du développement en Syrie, le projet hydraulique donne lieu en effet à des détournements et à des résistances multiples. Se révèle ainsi peut-être sa fonction première comme terrain d’affrontement des forces qui s’en disputent les fruits. La fragilité inhérente au fonctionnement même de l’entreprise rend secondaire la question de sa problématique réussite.