2019
Cairn
Jean Caune, « Formation des stéréotypes du Juif », Hermès, La Revue, ID : 10670/1.2eacd9...
Mon propos vise à indiquer comment des textes de la littérature, des récits de fiction ou encore des histoires drôles, et moins drôles, ont pu jouer une fonction structurante des différents stéréotypes du Juif développés au cours du xxe siècle. Ce stéréotype s’est progressivement construit dans une histoire et un cadre économique, politique, culturel. Mon approche est de nature communicationnelle : elle relève d’une pragmatique de l’énonciation.Dans ses usages – ses figures et son inscription dans les discours –, le stéréotype du Juif tire une grande partie de ses contenus de la judéophobie qui se singularise par sa persistance dans l’Histoire. Une des premières singularités de ce stéréotype est que la notion de Juif – qu’elle désigne une religion ou plus largement une communauté (un peuple ?) – est problématique. Elle ne va pas de soi. L’énonciation du stéréotype (l’acte de parole) assigne l’autre à une catégorie : elle le renvoie à sa pseudo-nature. La pensée stéréotypée est une « fausse conscience » qui réifie, décontextualise et essentialise. Dans la mesure où l’antisémitisme catalogue et assigne une nature à l’homme juif, il le fige dans ses rapports aux autres. Ce qui pouvait être considéré comme une opinion relève d’une idéologie mortifère dont la fonction est d’assujettir des individus concrets.