La peur d’être la nuit

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Comment comprendre la nyctophobie ? Les uns pensent, comme John Locke, que la nuit n’a rien qui fasse peur, et cherchent la cause de cette angoisse ailleurs que dans l’obscurité. Les autres, à commencer par Edmund Burke, affirment que l’obscurité est la source par excellence de la peur : pour Emmanuel Levinas comme pour Maurice Merleau-Ponty, qui s’appuient tous deux sur la description de l’« espace noir » par Eugène Minkowski, la nuit noire menace de déposséder le sujet de sa souveraineté pour le submerger dans une unité sans articulation. Mais, une dizaine d’années plus tôt, Roger Caillois se réfère aussi à Minkowski pour voir dans la nyctophobie l’effet de la « tentation de l’espace » : pour lui, la peur de la nuit est la peur d’être la nuit – de ne faire qu’un avec elle.

How is one to understand nyctophobia? For some, like John Locke, there is nothing to be afraid of in darkness and the cause of that fear is to be found elsewhere. For others, starting with Edmund Burke, obscurity is the very source of fear: for Emmanuel Levinas and Maurice Merleau-Ponty, who both drew on Eugène Minkowski’s description of “black space”, the dark of night threatens to deprive the self of its sovereignty and to subject it to an unarticulated unity. Yet, a decade earlier, Roger Caillois, also referring to Minkowski, saw nyctophobia as an effect of the “lust for space”: according to him, the fear of the dark is the fear of being the dark – of being one with it.