Une scène emblématique convertie en séquence narrative. Raconter le Jugement de Salomon sur une solive du Palais Chiaramonte (Sicile, fin XIVe)

Résumé Fr

La charpente du plafond du Palais Chiaramonte à Palerme a été peinte sur les ordres de Manfred Chiaramonte, l'un des quatre vicaires qui gouvernaient le royaume de Sicile à la fin du XIVe siècle. L'iconographie du plafond, d'une profusion inégalée, mêle scènes bibliques, historiques et littéraires. Dans cette salle intimidante, Manfred rendait probablement la justice et s'imposait comme un commanditaire puissant et cultivé. Par l'étude d'une solive en particulier, la plus proche du trône de Manfred, représentant le Jugement de Salomon, nous analyserons la rhétorique du pouvoir à l'œuvre. Nous étudierons également les stratégies du concepteur de l'illustration pour rendre sous forme de frise narrative, en cinq scènes, une histoire le plus souvent représentée par une image synthétique : Salomon désignant l'enfant sur le point d'être coupé en deux sous le regard des deux mères. L'image raconte une histoire et elle la raconte par des moyens qui sont très similaires à ceux que l'on retrouve dans les textes littéraires. Nous avons pu voir qu'elle remplissait ici les cinq fonctions du narrateur selon Genette : la fonction narrative, la fonction de régie, la fonction explicative, la fonction testimoniale et la fonction de communication. La collaboration efficace entre le peintre et le concepteur, la répétition des schémas narratifs, de la disposition spatiale, les amorces visuelles le long des solives qui structurent le plafond sicilien font de chaque histoire racontée en images un exercice rhétorique exceptionnel toujours renouvelé, sous les yeux des membres de la cour de Manfredi comme sous les nôtres.