2010
Cairn
Christian Cuxac et al., « Émergence, norme et variation dans les langues des signes : vers une redéfinition notionnelle », Langage et société, ID : 10670/1.2tm1p4
La reconnaissance actuelle des langues des signes (LS) comme langues à part entière, certes indiscutable, s’est effectuée à partir de l’affirmation ‘assimilatrice’ qu’elles partageaient toutes les caractéristiques structurales des langues vocales. Cet article montre qu’il s’agit plus souvent d’une condition posée a priori que d’un constat venant clore un ensemble de recherches, et qu’il faut avant tout clarifier des questions nodales pour une description appropriée de l’émergence, de la norme et de la variation dans les LS. Ainsi, est-il cohérent que les descriptions des LS se fondent essentiellement sur la pratique de locuteurs natifs, quand plus de 90 % des personnes sourdes qui, dans le monde, pratiquent une LS ont des parents entendants et n’ont pu acquérir cette langue en contexte familial ? De même, est-il concevable de considérer comme rigoureuses les descriptions qui sont faites de ces langues alors que l’on ne dispose toujours pas, actuellement, d’un système de notation permettant de les noter efficacement ? Nous clarifions et discutons, finalement, les limites des modélisations courantes, « assimilatrices ». Nous exposons un modèle théorique alternatif fondé sur une recherche empirique, qui propose une description plus compréhensive des LS et de leurs spécificités (changement de canal, iconicité). Nous montrons en quoi nos résultats : (a) invitent à une discussion et à une redéfinition de certains des concepts fondateurs de la linguistique structurale (arbitraire du signe linguistique, postulat d’indépendance de la forme par rapport à la substance) et (b) suggèrent que les LS fonctionnent comme des analyseurs privilégiés de l’aptitude humaine au langage.