Reconstruire les corps par le sport : un projet éducatif en pleine effervescence

Résumé Fr En

À la Libération, la notion de « doctrine sportive » concentre l’attention des promoteurs d’une éducation physique rénovée, fondée sur les sports. Il est vrai que les responsables de la nouvelle Direction générale de l’éducation physique et des sports (DGEPS) entendent participer au relèvement physique et moral de la jeunesse en développant, entre autres, les pratiques sportives. Leur valeur éducative, plébiscitée sous le Front populaire, est rappelée dans les instructions officielles du 1er octobre 1945 tandis que le décret du 25 mai 1950 inclut l’encadrement de l’association sportive scolaire dans les services des enseignants d’éducation physique. Alors que les publications traitant de l’initiation sportive s’avèrent des plus rares, de telles ambitions politiques génèrent une dynamique sans précédent. Cette contribution revient sur l’émergence et le développement des réflexions touchant à la construction d’une méthode d’éducation par les sports et s’attache à comprendre le rôle joué, dans ce cadre, par deux centres différents : l’Institut national des sports (INS) et l’École normale supérieure d’éducation physique et sportive (ENSEPS) de garçons. Elle s’appuie sur les archives administratives de ces structures ainsi que sur les dossiers de carrière d’enseignants y ayant officié (Maurice Baquet pour l’INS, Justin Teissié pour l’ENSEPS). L’analyse exhaustive des numéros publiés entre 1946 et 1958 des revues INS, Héraclès, Hyper, Les notes techniques de l’ENSEP et EPS permet, de plus, de circonscrire avec précision les propositions des différents protagonistes. L’élaboration d’une doctrine sportive attise indubitablement les concurrences entre l’INS et l’ENSEPS de garçons et témoigne d’une quête de légitimité de la part des deux instituts qui traverse toute la période considérée. Si, à travers les publications de Maurice Baquet et d’Auguste Listello, l’INS semble être favorablement positionnée, c’est bien à l’ombre des murs de l’ENSEPS qu’émergent les propositions les plus avant-gardistes.

In the Post-War period, the notion of “Sports Doctrine” drew the attention of promoters in favour of a renewed kind of physical education, based on sport. It is true that the officials of the Directorate General of Physical Education and Sports (Direction générale de l’éducation physique et des sports – DGEPS) intended to play an active role in the physical and spiritual recovery of young people via the development of sporting activities, amongst others. Their educational value, which had been supported by the Popular Front (Front populaire) when in government, was referred to in the Official Recommendations of October 1, 1945, while the decree of May 25, 1950, included the supervision of school sport associations in PE sports teachers’ responsibilities. At a time when the number of publications on practising sport was very low, such political aims generated an unprecedented momentum. This study takes another look at the emergence and development of thoughts regarding the creation of an educational method via sport and, in the present case, seeks to explain the importance of the role played by two different centres: the National Institute for Sports (Institut national des sports – INS) and the National College of Physical Education and Sports (École normale supérieure d’éducation physique et sportive – ENSEPS) for boys. The study is based on the administrative records kept by these two institutions and on the career-files of teachers who worked there (Maurice Baquet for the INS, Justin Teissié for the ENSEPS). Moreover, the comprehensive analysis of the articles published between 1946 and 1958 (in INS, Héraclès, Hyper, Les notes techniques de l’ENSEP and EPS) allowed us to pinpoint the details of the proposals made by the various protagonists. The development of a common sports doctrine undoubtedly led to increasingly fierce competition between the INS and the ENSEPS for boys and showed a general quest for legitimacy on the part of both institutions that went on through the whole period covered by the study. If, in the publications of Maurice Baquet and Auguste Listello, the INS appears to be in the favoured position, it was in fact from behind the walls of the ENSEPS that came the most avant-garde proposals.