15 mai 2025
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Yohann Le Moigne, « Jeunesse racisée, jeunesse marginalisée, jeunesse dépolitisée ? Repenser les gangs de rue étatsuniens comme vecteurs potentiels de politisation », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.32d546...
Jeunesse racisée, jeunesse marginalisée, jeunesse dépolitisée ? Repenser les gangs de rue étatsuniens comme vecteurs potentiels de politisation Yohann Le Moigne (université d'Angers) Parce qu'ils rendent visibles, parfois de façon spectaculaire, les failles des sociétés modernes et leurs conséquences sur des populations urbaines, jeunes et marginalisées, les gangs de rue fascinent autant qu'ils répugnent. Depuis quelques décennies, la globalisation a permis la diffusion de produits culturels dépeignant ces groupes de façon particulièrement caricaturale et sensationnaliste 1 . De ce fait, les gangs « occupent une position clé dans l'imaginaire mondial de la violence 2 » et sont souvent représentés comme « une incarnation du mal, d'une sauvagerie incontrôlable, [et] d'une barbarie brutale et insensée 3 ». Dans aucun autre pays que les Etats-Unis les gangs n'ont autant fait l'objet de ce type de traitement. Beaucoup de choses y ont été dites et écrites, en particulier à propos de l'existence de supposées super-organisations décrites comme des multinationales du crime, à l'image de la Mara Salvatrucha (plus connue sous le nom de MS-13), un gang créé dans les rues de Los Angeles dans les années 1980 et essentiellement composé d'adolescents et de jeunes adultes d'origine salvadorienne. Souvent considéré comme « le gang le plus dangereux du monde 4 », ses membres ont également été qualifiés d'« animaux » par Donald Trump lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche consacrée à la lutte contre l'immigration irrégulière en mai 2018 5 . La « guerre contre la criminalité », et en particulier contre la drogue, lancée par l'administration Reagan dans les années 1980 a favorisé le développement d'une approche sensationnaliste et criminalisante des gangs et de leurs activités qui demeure encore aujourd'hui bien ancrée dans l'imaginaire collectif étatsunien. Ainsi déshumanisés, et présentés par les médias, de nombreux responsables politiques, la police mais également un grand nombre de chercheurs en sciences sociales comme des barbares nihilistes représentant un danger pour la société, les membres de gangs ont traditionnellement été dépeints comme dépourvus d'agentivité et de conscience politique.