2024
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Nicolas Fischer, « Un supplice imperceptible.: Prouver la douleur ressentie par les condamnés à mort dans les procès de l’injection létale aux Etats-Unis. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.345857...
A partir d’une enquête combinant des entretiens et l’analyse de documents judiciaires, cet article revient sur le travail probatoire mis en œuvre par les avocats et les experts qui interviennent dans les procès centrés sur les exécutions capitales par injection létale aux Etats-Unis. Cette méthode de mise à mort, sensée tuer les condamnés avec « humanité » en les anesthésiant avant de leur inoculer une substance mortelle, fait en effet l’objet depuis le début des années 2000, de plaintes en justice qui prétendent au contraire qu’elles infligent aux personnes exécutées des douleurs extrêmes et inconstitutionnelles. Apporter la preuve de ces douleurs est toutefois particulièrement difficile : affectés par les injections, les condamnés sont en effet inertes et apparemment inconscients, la souffrance éventuelle qu’ils éprouvent ne pouvant être mise en évidence que par des experts en médecine. Après avoir rappelé le contexte d’émergence de ce contentieux centré sur l’injection létale, l’article analyse ce travail probatoire particulier à partir d’un procès spécifique, tenu à Oklahoma City (Oklahoma) début 2022. Il revient spécifiquement sur l’affrontement d’experts anesthésistes devant le tribunal, et sur le répertoire de preuves sur lequel ils s’appuient : entre autres, les données relevées par des capteurs placés sur le corps des condamnés, mais aussi leurs propres observations d’exécutions auxquelles ils ont assisté. Caractérisé par un haut degré de technicité, leur expertise échoue toutefois à rendre tangible ce qui constitue son objet principal : le degré de conscience, et donc de sensibilité à la douleur, que conservent les condamnés au cours de leur exécution.