2012
Cairn
Souâd Ayada, « Hâfez, poète et philosophe », Revue philosophique de la France et de l'étranger, ID : 10670/1.36f66k
La poésie lyrique de Hâfez ( xive siècle) s’élève au niveau de la plus exigeanteméditation philosophique. L’amour, qui est son foyer, n’y désigne pas une affectionou une passion de l’âme. Il fait écho à la théologie de l’amour qui s’est construite enislam au croisement du néo-platonisme avicennisant et du soufisme d’Ibn ‘Arabî. PourHâfez, l’amour est ce qui de Dieu apparaît dans l’homme. Ses affres sont le mystèrede la théophanie. Le ghazal est une fenêtre sur l’ontologie de la théophanie et surl’amphibolie du réel qu’elle induit. Il opère, dans la matière des figures qu’il sollicite,la coalescence des ordres de la réalité et des formes de la perception. Il révèleles ressources du sensible quand il devient cette réalité subtile lestée d’une matièretransmuée. La poésie de Hâfez dévoile les paradoxes du réel, immanent et transcendant,sensible et intelligible, pour nous mettre sur la voie du paradoxe fondamental :le paradoxe de Dieu, qui est caché et apparent, et le paradoxe de la révélation, quiconfère des noms et des attributs à une essence insondable. Ce faisant, elle côtoie lesdiscours de la religion et de la philosophie. Le poète, en dévoilant le sens vrai de larévélation, devient le rival du religieux. Il trouve son site en un lieu défriché et balisépar le philosophe. Hâfez exprime dans l’unité et l’équilibre parfait du poème d’amourla théologie et l’ontologie que le philosophe formule dans des concepts abstraits. Ilparachève le projet que la philosophie réalise partiellement et maladroitement.