1 janvier 2019
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Sonny Assu et al., « Histoire de l'art et potlatch : regards croisés entre la France et le Canada », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.4000/perspective.11061
Le présent débat vise à interroger les relations entre l'histoire de l'art et le potlatch sous un nouveau jour. Il est en effet convenu, dans le champ de l'histoire de l'art, de voir dans cette institution cérémonielle en usage chez les Premières Nations de la côte nord-ouest de l'Amérique avant tout une activité d'échanges somptuaires et de destruction ostentatoire de la richesse. C'est Georges Bataille, dans son texte de 1933 « La notion de dépense », repris et développé dans en 1949 dans La part maudite 1 , qui s'emploie à développer cette conception spectaculaire du potlatch. Il insiste également sur la dimension éminemment critique du potlatch pour l'idéologie utilitariste des sociétés industrielles, qui sont travaillées par des phénomènes de pertes somptuaires, mais qui refusent de se confronter à cette « part maudite » d'elles-mêmes. Cette conception bataillienne du potlatch a été abondamment reprise par les artistes et les théoriciens de l'art moderne et contemporain, parmi lesquels Miró, Yves Klein, Guy Debord ou Thomas Hirschhorn. Tout en revenant sur cette fascination du monde de l'art occidental pour le potlatch, le présent débat vise aussi à prendre en considération un élément trop souvent oublié de cette histoire : le point de vue des Autochtones. Il est en effet important de rappeler qu'au moment où les anthropologues, les historiens de l'art et les artistes européens faisaient grand cas du potlatch et y voyaient un principe clef de la création moderne, celui-ci faisait l'objet au Canada d'une stricte interdiction − toute infraction étant punie par la confiscation des objets cérémoniels et l'emprisonnement des organisateurs. C'est ce déni et cette dépossession des cultures des Premières Nations par le pouvoir colonial que nous avons voulu aussi rappeler. Aussi nous a-t -il semblé nécessaire, pour mener un tel débat, de se situer au croisement de l'histoire de l'art et de l'anthropologie, mais également de faire appel à des spécialistes français et canadiens des relations entre art et potlatch. Nous avons par ailleurs jugé essentiel d'inviter Sonny Assu, artiste contemporain Ligwilda'xw (Kwakwaka-'wakw) qui évoque dans sa pratique la répression coloniale qui frappa d'interdit le potlatch pendant 67 ans (1884-1951), mais qui s'emploie également à souligner sa persistance chez les Premières Nations de la côte nord-ouest de l'Amérique.