2019
Cairn
Christophe Martin, « Des pouvoirs de la couleur dans La Nouvelle Héloïse », Dix-huitième siècle, ID : 10670/1.3dqe90
À première vue, La Nouvelle Héloïse semble illustrer exemplairement une pauvreté chromatique assez générale dans le roman des Lumières qui, le plus souvent, ne semble nullement refléter l’importance nouvelle alors accordée aux couleurs. Lire La Nouvelle Héloïse au prisme de la couleur peut sembler d’autant plus paradoxal que le roman a toute chance d’avoir été composé à peu près au moment où Rousseau développe tout un discours anticoloriste dans l’ Essai sur l’origine des langues. Faut-il dès lors ne percevoir dans la Julie qu’une « condamnation puritaine de la couleur », selon la formule de Bernadette Fort ? En réalité, non seulement Rousseau ne reproche pas à la couleur de farder la réalité, mais il ne l’accuse pas non plus de séduire artificiellement les sens. À tenir compte des sujets d’estampe et à relire attentivement nombre de lettres du recueil, c’est au contraire toute une esthétique de la suggestion chromatique qui se laisse discerner dans le roman.