2013
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Philippe Gruat et al., « Le complexe héroïque à stèles des Touriès (Saint-Jean et Saint-Paul) : bilan préliminaire des campagnes 2008-2011 », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.3e3998...
Aux Touriès, près du hameau du Vialaret, la découverte d’un important lot de stèles en grès par la famille Verlaguet et les premiers résultats de fouilles archéologiques menées depuis 2008 permettent d’appréhender le fonctionnement, l’organisation et l’évolution d’un probable sanctuaire héroïque archaïque. À ce jour sans équivalent en Europe celtique et en Méditerranée nord-occidentale, le site a fonctionné grosso modo entre le VIIIe et la fin du Ve s. av. J.-C. Pour la première fois en Gaule méridionale et ses marges, ces stèles ne sont pas de simples réemplois, plus ou moins symboliques, dans un cadre urbain ou domestique, mais le résultat de manipulations particulières au sein de plusieurs aménagements successifs complexes relevant manifestement de la sphère cultuelle et/ou funéraire. Des stèles avec leur base encore fichée dans le sol et plusieurs autres fosses semblables, encore munies des calages destinés à dresser ces monolithes, mettaient en scène des alignements tirant parti du relief environnant, notamment le cirque naturel de Saint-Paul- des-Fonts qui a manifestement conditionné l’implantation. Les fouilles ont permis de mettre en évidence une construction commémorative composite – un vaste podium de plus de 50 m de développement – érigée en plusieurs temps tout au long du Ve s. av. J.-C. Sa partie la plus ancienne, probablement protégée par un portique, rassemble et réutilise les stèles antérieures, tantôt consciencieusement conservées, tantôt mutilées et brisées avec acharnement. Le tout monumentalise un tertre plus ancien, probablement un tumulus. Parmi les milliers de fragments de monolithes appartenant au moins à une quarantaine d’unités, on relève plusieurs pièces remarquables, notamment une stèle de guerrier avec son épée à antennes figurée dans son fourreau de la fin du VIe s. av. J.-C. et des disques- cuirasses sur le thorax et le dos. Les éléments les plus inattendus et exceptionnels sont une représentation de roue de char et l’angle d’une autre statue de caisse de char, unique à aussi haute époque. Ils permettent des rapprochements convaincants avec les véhicules à quatre roues des « tombes à char » du domaine hallstattien et des reconstitutions qui en sont proposées. Ces remarquables représentations confirment, s’il en était encore besoin, l’importance des personnages héroïsés figurés à travers les divers piliers, stèles et statues du site. L’ensemble évoque un sanctuaire aux confins de plusieurs territoires, où on perpétuait la mémoire de lignées successives d’élites guerrières locales, manifestement en compétition pour asseoir leur pouvoir.