2021
Cairn
Batyah Sierpinski, « Désignation de la nouvelle directrice de l’OMC – Entre droit et politique comme à l’accoutumée… », Civitas Europa, ID : 10670/1.3krqtx
L’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée en 1994, pour succéder au GATT, possède une structure dirigeante intitulée « directeur général ». Sa désignation n’a pas posé de problème juridique et/ou politique majeur avant 2021. La procédure de nomination d’un directeur général est explicitement précisée à l’article VI de l’Accord constituant l’Organisation mondiale du commerce. A ce sujet, la désignation effective des premiers directeurs généraux de 1994 à 2004 a toutefois été relativement particulière. Que ce soit pour le premier directeur général de l’OMC qui était déjà en place en tant que directeur dans le cadre du GATT et qui est resté, à la demande des parties contractantes, pour assurer la continuité entre ces deux organisations. En 2002, les membres de l’OMC ont adopté une résolution, organisant pour l’avenir, la désignation de chaque directeur général. A partir de cette date, les directeurs généraux suivants ont été nommés successivement, pour quatre ans, après des négociations difficiles du fait d’oppositions politico-régionales entre membres, concernant leur représentation effective au sein de l’OMC. Le mode de désignation des directeurs généraux se fait, non seulement selon la procédure établie en 2002, mais aussi selon un mode spécifique à l’OMC, qui est l’adoption d’une décision par consensus. Cette modalité suppose qu’aucun membre de l’organisation ne s’oppose à une désignation. De 2005 à 2017, deux directeurs généraux ont été nommés, leur mandat a été renouvelé une fois. Or, avant la fin du deuxième mandat du dernier directeur général en place, Roberto Azavêdo, celui-ci présente sa démission qu’il justifie avec la proximité de la prochaine conférence ministérielle de l’OMC dont il ne veut pas qu’elle interfère avec la désignation du prochain directeur. Mais, cette démission advient dans un contexte politico-économique délicat dû, à la fois aux positions de président des Etats-Unis, D. Trump et à la crise de la Covid-19. Cette démission provoque une véritable crise pour la désignation du directeur suivant. Initialement, le président du Conseil général, David Walker, annonce qu’il y a huit candidats, présentés par des membres de différents continents, dont trois femmes. Le nombre de candidats et la présence de candidates est relativement exceptionnel. Au fur et à mesure de l’avancée de la procédure de désignation et de l’emploi du consensus, des candidats, hommes ou femme de divers continents, notamment d’Afrique, sont éliminés. Finalement, deux dernières candidates s’opposent, une sud-coréenne et une nigérienne, et, à partir de cette étape, le système de désignation va se bloquer du fait du refus des Etats-Unis d’accepter qu’une désignation soit réalisée sur la candidate qui a obtenu la meilleure possibilité d’avoir un consensus sur son nom en tant que directrice générale. En l’occurrence, il s’agit de la candidate du Nigéria, Madame Ngozi Okonjo-Iweala que de nombreux membres préfèrent et qui obtient aussi le soutien de différentes organisation régionales comme l’Union africaine et l’Union européenne. Pour résoudre ce blocage, David Walker repousse plusieurs fois la réunion du Conseil général permettant une décision par consensus sur la désignation de la future directrice générale, comme s’il veut attendre le résultat des élections présidentielles américaines, prévues en novembre 2020, dans l’espoir d’un changement de président. Au-delà du résultat positif, pour l’OMC des élections américaines qui sont en faveur de J. Biden, il a fallu attendre le 5 février pour qu’une solution apparaisse au blocage de la désignation en cours avec le retrait officiel de la candidate coréenne. Dès le lendemain, le Conseil général est réuni en session extraordinaire pour désigner officiellement la candidate du Nigéria. Cette désignation difficile va-t-elle marquer l’avenir de l’OMC ?