2021
Cairn
Thomas Rainer, « L’image de la Torah. La représentation du livre sacré et son rôle dans la construction des identités religieuses dans l’Empire ottoman : Sabbataï Tsevi et son portrait », Études Balkaniques-Cahiers Pierre Belon, ID : 10670/1.3ub41j
Toute une série d’études récentes portant sur la matérialité des textes sacrés dans le contexte des cultures littéraires juives, chrétiennes et islamiques ont démontré que la parole divine n’a pas d’existence sans son support matériel, et que, surtout, la relation entre les Écritures, le support des Écritures et le corps est fondamentale pour une compréhension élargie du phénomène des « Saintes Écritures ». Les différentes formes d’accès à la matière des Écritures peuvent devenir les signes d’un degré particulièrement exclusif d’identification avec le corps du texte sacré. Cela s’applique à la fois au niveau individuel et à la communauté religieuse qui sanctionne les formes d’accès à la parole incarnée dans le rituel. L’article examine cette relation au regard des images du texte central de la liturgie juive, de la Torah. Le sujet principal sont les portraits de Sabbataï Tsevi (1626-1676), Messie autoproclamé. Ce mystique juif de Smyrne, qui s’est converti à l’Islam en 1666, a révélé sa relation particulière à la Torah par un mariage public avec un rouleau de la Torah, un rite vivement contesté par les rabbins contemporains. Se pose donc la question suivante : quelles sont les racines de ce rite de l’appropriation physique des Écritures et dans quelle mesure les éléments du rite, accompli publiquement, et ceux de son refus, se reflètent-ils dans les traditions iconographiques de la représentation du livre sacré autour de Sabbataï ? Afin de répondre à cette question, des portraits contemporains de Sabbataï en tant que couronne de la Torah sont analysés, tout comme la survie et la transformation de cette iconographie dans l’art juif moderne.