14 juin 2019
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Géraldine Paring, « Nouvelles modalités du contrôle organisationnel : sociomatérialité et intercorporéité. Une autoethnographie d'un cabinet de conseil interne. », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.433fpp
La thèse étudie à travers 3 articles les nouvelles modalités du contrôle social du management dans les organisations contemporaines post-bureaucratiques. Via l’autoethnographie d’un cabinet de conseil interne d’une institution financière, elle examine le corps du consultant interne comme un instrument essentiel du déploiement d’un programme global de standardisation des pratiques de travail pour réduire les coûts. La thèse explore comment le consultant interne devient une nouvelle figure sociale incarnant les valeurs du programme et interagissant corporellement avec les autres salariés pour les induire à adopter les pratiques de travail.Mobilisant une grille d’analyse sociomatérielle et la notion d’identité performative de Judith Butler, la thèse montre que la création de l’identité sociale du consultant interne est performative et issue d’un processus sociomatériel: combinant discours, artefacts de gestion et corps, il fait advenir de nouvelles conduites corporelles publiques de la part des consultants, signifiant leur identité. La thèse montre que la régulation identitaire n’est pas seulement un produit des discours ou de disciplines, mais aussi d’arrangements organisationnels imbriquant discours, corps et matérialité.La thèse explore ensuite pourquoi et comment le contrôle des autres salariés passe par une politique managériale d'intensification des interactions corporelles entre eux et les consultants. Mobilisant la notion d’intercorporéité de Maurice Merleau-Ponty et la typologie des modes de chosification du corps de Martha Nussbaum, la thèse interprète que l’intercorporéité entre les consultants et les autres salariés repose en réalité sur une structure intercorporelle qui les lie dans un rapport entre corps-objets, formant le sous-bassement de la gamme des conduites corporelles inductives des consultants envers les salariés: le corps du consultant, réifié dans son instrumentalité, agit sur le corps du salarié, réifié dans son inertie et manque d’autonomie. La chosification des salariés n’est cependant ni uniforme ni absolue, mais contextuelle et variable, permettant au management d’instrumentaliser l’intercorporéité dans sa dimension affective. La thèse avance également que la structure intercorporelle est le produit de processus qui combinent discours et arrangements spatiaux, matériels et temporels des corps et de leurs interactions. Elle met ainsi en avant la structure intercorporelle comme un nouvel espace politique et éthique; réunissant les dimensions spatiales, matérielles et temporelles de l’intercorporéité, elle construit les rapports sociaux et éthiques au sein de l’organisation, allant au-delà d’une conceptualisation de l’intercorporéité comme une communication immanente, tacite et affective entre corps.Sur le plan méthodologique, la thèse propose une méthode autoethnographique phénoménologique faisant une synthèse entre la notion de corps-sujet de Maurice Merleau-Ponty et l’autoethnographie, pour explorer les modalités du contrôle social qui engagent les corps et pas seulement les pensées. Le corps percevant, à travers l’expérience de soi et des autres dans le cours ordinaire de la vie en contexte organisationnel, signifie les correspondances complexes et contextuelles qui s’instaurent entre objets, corps, espace et temps pour produire le contrôle social. La méthode développe l’autoethnographie sur une autre base épistémologique que le récit de soi.La thèse ouvre sur une nouvelle compréhension du contrôle dans les organisations post-bureaucratiques, qui mettent en avant la connexion entre salariés; il ne vise plus simplement à rendre les individus dociles et productifs, mais à s’approprier leur socialité; les méthodes reposent sur une orientation des corps-sujets en relation les uns aux autres pour forger les rapports sociaux et éthiques, en influençant l’organisation spatiale, matérielle et temporelle des corps et de leurs interactions.