3 janvier 2025
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Jacques Barou, « augmentez les bébés ! », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.468bd9...
Augmentez les bébés !Une question de politique intérieure L'existence de personnes affirmant leur refus d'avoir des enfants n'est pas un fait récent. Il y a toujours eu des individus et des couples qui déclaraient ne pas vouloir d'enfants, alors qu'ils n'avaient aucun problème médical les en empêchant ni aucune difficulté matérielle pour les élever dans le bien-être. En France où la perte de l'influence religieuse sur la population avait commencé dès le XVIIIe siècle, ils étaient plus nombreux que dans les autres pays européens à ne pas respecter l'injonction biblique « Croissez et multipliez-vous ». Sous la IIIe République (1870-1940), leur refus de la fécondité aggravait une situation démographique déjà malmenée par les effets dela mortalité des jeunes hommes, du fait des guerres napoléoniennes, de la guerre de 1870 et surtout de la Première guerre mondiale. Cela inquiétait les autorités qui craignaient un affaiblissement démographique, alors que les pays voisins avaient des taux de fécondité très élevés. Les raisons avancées à ce refus d'enfants étaient d'ordre assez divers. La littérature de l'époque est pleine de jeunes rentiers qui ne pensent qu'à s'amuser, changeant souvent de partenaire et pour qui la venue d'enfants marquerait la fin de cette récréation permanente. L'hédonisme ambiant touchait aussi les femmes. Si elles voulaient continuer à briller dans les milieux mondains, préserver leur beauté et leur liberté, il fallait qu'elles renoncent aux enfants. Les couples sans enfants menaient la grande vie, découvraient le monde en voyageant ou réalisaient de belles carrières professionnelle. Mais, il s'agissait là de choix volontaires exprimés individuellement par une catégorie sociale privilégiée qui n'avait pas de justification idéologique à avancer. Jugés comme « égoïstes » par la société de l'époque, les couples volontairement sans enfants étaient trop atypiques pour inspirer un quelconque mouvement social. Les représentants de la nation qui s'inquiétaient de la faiblesse démographique du pays ne donnaient pas toujours l'exemple. Beaucoup de députés et d'hommes politiques n'avaient pas d'enfants : Georges Clémenceau, Aristide Briand, Edouard Herriot ou Jules Ferry, grandes figures de la IIIe République, ont eu une vie affective agitée sans prendre le temps d'assurer leur descendance et étaient mal placés pour promouvoir une politique nataliste. Le manque de jeunes gens susceptibles d'occuper des emplois dans l'Industrie et de défendre le pays en cas de guerre sera réglé par le recours à l'immigration. Les immigrés venus pour travailler dépassent le million au début du XXe siècle et en 1889, la loi sur le droit du sol systématise l'obtention de la citoyenneté par les enfants d'immigrés nés en France.