7 juin 2015
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Agnès Blandeau, « Que signifient les corps et gestes des personnages qui peuplent les lais bretons moyen-anglais ? », HAL-SHS : littérature, ID : 10.4000/miranda.7189
Les lais bretons moyen-anglais édités par Anne Laskaya et Eve Salisbury (1995) sont composés entre la fin du 13ème et le 15ème siècle. Ils constituent un corpus hétérogène de poèmes greffés sur le lai, un matériau littéraire pré-existant dans lequel s’est illustrée Marie de France. Notons que la poétesse, dont le nom tel que nous l’utilisons aujourd’hui date seulement du 16e siècle, prétend que ses sources prennent leur origine dans le duché de Bretagne, lequel n’a en fait produit aucun lai connu. Il s’agit donc d’une pure allégation de sa part sans fondement scientifique sérieux. L’Angleterre devient la terre d’élection d’un genre à l’origine continental. La forme organique se développe, tel un surgeon à partir de la tradition du lai sous une forme modifiée, arborant de nouveaux atours. Il s’agit en quelque sorte d’une mini-romance, récit bref, fluide, au rythme rapide. Ces traits se reflètent jusque dans la mobilité des corps animés dépeints en train de pleurer, prier, se repentir, servir, chasser, combattre ou encore danser et s’amuser. Les lais anglais fournissent de précieux indices sur le quotidien au moyen-âge, réel ou idéalisé. Cet article s’efforce d’examiner attentivement les références au langage corporel, à la gestuelle, voire aux gesticulations, et a fortiori les connotations que revêtent les gestes en fonction du contexte—la cour comme la terre de féerie, les lices des joutes comme les villes. Actions et postures trahissent d’intenses émotions, parfois une aveuglante passion, un profond chagrin, un égarement irréparable, ou un amour non payé de retour. Qu’ils gardent leur sang-froid ou cèdent à d’irrépressibles désirs, les corps qui peuplent ces récits paraissent prendre chair. Or, il y a fort à parier qu’un lecteur du 21ème siècle reste perplexe face aux significations de certaines attitudes physiques, qui invitent à l’interprétation dans une perspective à la fois littéraire et anthropologique. Le geste est l’habit(us) de la voix, tout comme les faits et gestes doivent épouser les paroles prononcées. Les lais moyen-anglais s’écartent du portrait figé, de la scène inerte pour mettre en lumière l’être humain en actes, autrement dit en vie, tout simplement.