8 janvier 2025
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Mathilde Salin, « Scénarios économiques pour l'évaluation des risques financiers liés à la perte de biodiversité : Objectifs, Méthodes et Applications à la France et à l'objectif « zéro artificialisation nette » », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.497cd5...
Le déclin rapide de la biodiversité pourrait entraîner des changements économiques profonds. Endiguer cette perte nécessite des transformations à grande échelle des modes de consommation et de production. Les banques centrales sont de plus en plus préoccupées par les risques financiers qui pourraient découler à la fois des dommages causés par la perte de biodiversité (« risques physiques ») et du décalage des entreprises et des institutions financières avec les politiques de transition nécessaire pour arrêter ce déclin (« risques de transition »).Cette thèse analyse les risques financiers liés à la biodiversité, en se concentrant sur le cas français. Elle examine en particulier la manière dont des scénarios économiques peuvent être développés pour évaluer ces risques tout en respectant un principe de durabilité forte.La première partie considère à la fois les risques physiques et de transition, et s'inspire des méthodes évaluant les risques financiers liés au climat. Le chapitre 1 analyse comment les modèles d'évaluation intégrée (IAM), utilisés initialement pour concevoir des scénarios mondiaux pour les stress-tests climatiques, pourraient être adaptés pour concevoir des scénarios analogues représentant les impacts économiques de la perte de biodiversité. On trouve que les IAM stylisés montrent des effets forts de la perte de biodiversité sur le PIB, mais ne détaillent pas les canaux de transmission et font face à des problèmes de calibration. Par contraste, les IAM appliqués représentent des chocs plus détaillés, souvent liés au climat ou à l'usage des terres, mais négligent de nombreux aspects par lesquels la perte de biodiversité pourrait affecter l'économie, et ont des caractéristiques atténuant les impacts économiques. Le chapitre 2 présente une analyse de l'exposition des institutions financières françaises (IFFs) aux risques physiques et de transition liés à la biodiversité, via l'évaluation des dépendances aux services écosystémiques (risques physiques) et de l'empreinte biodiversité (risques de transition) des entreprises qu'elles financent. En 2019, 42 % du portefeuille de titres des IFFs étaient liés à des entreprises fortement dépendantes des services écosystémiques, tandis que 30 % l'étaient à des entreprises ayant de forts impacts sur la biodiversité. L'empreinte biodiversité du portefeuille des IFFs équivaut à la perte totale de 130 000 km² de nature intacte.La deuxième partie se concentre sur les possibles risques de transition lié à une politique spécifique visant à atteindre « Zéro artificialisation nette » (ZAN) d'ici 2050. Pour évaluer la vulnérabilité de ces secteurs à cet objectif, le chapitre 3 construit un jeu de données sur l'usage de sols artificialisés (stock) et l'artificialisation des sols (flux) par les secteurs économiques français. Des secteurs comme le Commerce et l'Industrie manufacturière sont de grands utilisateurs de sols artificialisés, mais ne semblent pas les plus vulnérables au ZAN, contrairement à l'Agriculture ou aux Services d'Hébergement. Le chapitre 4 propose une approche novatrice pour évaluer les risques financiers de transition biodiversité, via l'usage du concept de « dettes écologiques ». Elle valorise l'écart entre les pressions actuelles sur la biodiversité (l'artificialisation des sols) et les objectifs politiques (le ZAN). La valorisation monétaire de cet écart est faite grâce au coût de restauration des écosystèmes, que le chapitre 5 calcule pour les sols urbains. Ces coûts fournissent aussi des pistes pour modéliser des impacts économiques de l'objectif ZAN et estimer des besoins d'investissements.Cette thèse explore, construit et applique une diversité d'outils et de méthodes à plusieurs échelles pour mieux appréhender les risques financiers liés à la biodiversité, en mettant particulièrement l'accent sur des approches sectorielles et les données. Elle contribue à la littérature sur ce sujet émergent, ainsi qu'à l'économie de la transition écologique.