23 novembre 2013
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Noémi Godefroy, « Autour de l’île d’Ezo : évolution des rapports de domination septentrionale et des relations avec l’étranger au Japon, des origines au 19ème siècle », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.4ayaga
Dès l’Antiquité japonaise, le référentiel dans lequel s’inscrivent les rapports avec l’étranger est concentrique ; autour d’une arborescence centrale d’où rayonne la civilisation gravitent des périphéries incultes dont le degré de barbarie est proportionnel à la distance les séparant de celle-Ci. Cette vision antagoniste, inspirée de la Chine, évolue pour devenir, à la fin du 15ème siècle, un « paradigme dichotomique du civilisé et du barbare à la japonaise » (nihon gata ka.i chitsujo). Une étude approfondie des rapports de domination dans le septentrion japonais nous révèle que, par la suite, malgré les deux siècles et demi d’ouverture sélective qui valent au Japon d’être qualifié de « pays verrouillé » (sakoku), cette figure du barbare effectue un glissement temporel, technique et géographique. Le barbare n’est plus un être à peine humain, souillé et arriéré, peuplant des marges périphériques contigües et qu’il faut soumettre, ni même un « barbare apprivoisé » dont l’altérité est mise en scène à des fins de domination. Au tournant du 19ème siècle, du fait de la présence grandissante des Russes à la frontière septentrionale, le barbare est devenu un adversaire potentiel dangereux, possédant une avance technologique à imiter, qui doit être maintenu à distance (jô.i). Le statut d’Ezo n’est plus celui d’antimonde, ou de terres incultes et vides, mais celui d’un territoire qu’il faut développer et protéger. Incarnée par ces métamorphoses et illustrée par les traités des lettrés prônant une défense maritime adéquate (kaibô-Ron), un développement agricole (kaitaku-Ron), une ouverture commerciale (kaikoku-Ron) ou un « pays prospère et une armée forte » à la fin du 18ème siècle, la première étape de transition entre fermeture et ouverture du Japon a pour origine l’influence de ces derniers dans les décisions concernant les relations avec l’étranger, accompagnée d’une transvaluation éthique qui transfère progressivement la vertu du sakoku (protection de la population contre le prosélytisme chrétien et protectionnisme commercial) au kaikoku (protection du peuple contre les agressions extérieures et contre la famine).