Apports des entretiens cognitifs à la conception d'un questionnaire

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Date

30 mars 2022

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Géraldine Vivier, « Apports des entretiens cognitifs à la conception d'un questionnaire », Archined : l'archive ouverte de l'INED, ID : 10670/1.4cm7ec


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Si poser une question n’est un exercice ni simple ni neutre, y répondre ne l’est pas davantage. Sur le terrain, les questions et les modalités de réponse définies pour mesurer un objet ne sont pas nécessairement "prêtes à l’emploi" pour les enquêtés et répondre suppose de s’approprier – pas toujours sans peine et sans enjeux – la question, et son objet, dans une interaction sociale donnée. Tous ceux qui pratiquent "le terrain" sont familiers des temps de silence et de réflexion qui souvent précèdent la réponse apportée à une question, mais aussi des précisions – pas forcément anodines – qui l’accompagnent, la nuancent, voire dévient ou « rectifient » parfois la question posée. De ces malentendus, ajustements et enjeux singuliers qui se jouent dans la situation d’enquête, la réponse, une fois chiffrée et devenue « donnée », ne gardera guère de traces. Ces questions, qui ne sont pas nouvelles, ont fait l’objet de constants travaux (Bourdieu, 1973 ; De Singly, 2021) mais aussi de stratégies, diverses et inventives, pour capter in situ des éléments susceptibles de renseigner sur la situation d’enquête et sur lesdits « biais » engendrés : indicateurs de temps ou de spontanéité de réponse à une question, indicateurs de présence de tierces personnes pendant l’entretien, indications sur le degré de gêne ressenti à l’énoncé d’une question ou sur la façon d’y répondre, introduction d’une modalité de réponse fictive pour détecter un enjeu de désirabilité sociale. A défaut de réduire les effets inhérents à toute interaction d’enquête, ces outils peuvent, de façon très heuristique, faciliter l’interprétation des résultats, rendre compte d’apparentes incohérences ou encore enrichir la compréhension de l’objet de recherche même (Régnier, 2007 ; Léridon, 2008 ; Papuchon, 2018). Dans une optique complémentaire, les entretiens cognitifs s’attachent à identifier les dissonances susceptibles de s’insinuer entre ce qui est pensé, catégorisé et énoncé par le concepteur d’une question, et ce qui est pensé, catégorisé et énoncé par l’enquêté qui y répond. Autrement dit et parce qu’indispensablement, il faut qualifier pour appréhender un objet (Desrosières, 1995), les approches cognitives visent à comparer ce qui est qualifié et signifié (ou non) de part et d’autre, et à cerner la congruence entre ce qui est attendu et ce qui est répondu. Ce faisant, elles permettent d’améliorer la fabrique du questionnaire en amont de l’enquête réelle mais aussi de mieux interpréter les résultats en aval. Particulièrement fécondes pour appréhender et fouiller des objets nouveaux ou aux contours peu « solidifiés » – relevant d’usages plus que de catégories juridiques ou administratives par exemple (Desrosières, 2021 (2015)) – elles sont aussi utiles pour revisiter et interroger, dans l’espace ou dans le temps, des objets et des questions au contraire devenus « classiques ». Développées en psychologie sociale et appliquées aux enquêtes sociologiques ou démographiques, les techniques utilisées s’appuient sur les processus cognitifs de réponse à une question qui, schématiquement, articulent cinq phases ou tâches mentales effectuées par le répondant, à savoir : 1) l’interprétation, la compréhension de la question, 2) la recherche, l’extraction d’information, 3) le choix et la mise en forme de la réponse, 4) l’adaptation, l’arbitrage de la réponse, 5) la communication de la réponse (Tourangeau, 1984 ; Bilocq, 1996 ; Bradburn, 2004). Menés en phase de conception et de (pré) test de questionnaire, les entretiens cognitifs amènent les répondants à expliciter leur cheminement, à l’aide de questions complémentaires – dites « verbal probing » – ou par l’énonciation à voix haute du travail de réponse en train de se faire – dite « think aloud ». De fait, ces méthodes combinent, de façon réflexive, démarche hypothético-déductive ("top-down", des catégories aux données) et démarche inductive ("bottom-up", des données aux catégories) et articulent au sein d’un même test, approches qualitatives et quantitatives. A travers quelques exemples empruntés à des enquêtes récentes, nous présenterons la mise en œuvre, les apports et les limites de ces approches et outils.

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