2020
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Nicole Guilleux et al., « “Cutting bronze” in Italy during the 4th-3rd centuries BC: from the word to realia », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.4ey3u8
Dans le présent texte, qui allie l’approche linguistique à l’histoire des realia et, en particulier, celle de la numismatique, l’accent est mis sur ce qu’implique concrètement l’étymologie, réexaminée sur de nouveaux frais, du verbe latin aestimāre. On montre d’abord que ce verbe a vu son sens évoluer de « déterminer la valeur extrinsèque d’un objet », « fixer le montant des dommages à payer », à « faire cas de », puis à « juger, estimer, penser ». Il en va de même pour le reste de la famille lexicale, fort réduite, d’aestimāre : on passe d’un sens technique à une opération de l’esprit, à l’instar d’autres verbes latins comme putāre « nettoyer, tailler » d’où « juger, penser ». Pour ce qui est de sa formation, aestimāre (aestumāre en latin archaïque) est dérivé d’un nom composé *ais tómos « qui coupe le bronze », selon un procédé morphologique régulier qui est largement attesté aussi bien en latin que dans maintes autres langues indo-européennes. Le nom d’agent composé *ais tómos peut d’ailleurs être rapproché, pour la forme et le sens, de libri pens originellement « celui qui fait pendre le (ou les) plateau(x) de la balance ». Or l’étymologie du verbe aestimāre trouve un appui décisif dans les realia de la Péninsule italienne. C’est qu’une économie du métal pesé est attestée à Rome après le Ve siècle av. J. C., tant par les sources littéraires que par le lexique (stipendium dans le contexte de la mancipatio) et les données archéologiques. Plus significatif encore, la première mention du composé ex īstimāre (IIIe-IIe siècles) suit la période de développement de la première monnaie romaine. Apparaissent d’abord, à partir de la fin du IVe siècle av. J. C., le bronze et l’argent frappés portant une légende latine, puis, au début du siècle suivant, de lourds lingots (aes signatum) et des disques (aes grave) de bronze coulé. L’observation des lingots montre que nombre d’entre eux ont été délibérément divisés en deux ou fragmentés en morceaux plus petits. Leur débitage n’a alors de sens que dans un système de valeur divisionnaire où la référence à un étalon stable (la livre romaine) permet d’étendre l’utilisation du bronze pesé. On doit donc envisager l’hypothèse d’une découpe concernant spécifiquement les lingots, pratique parfaitement compatible avec l’étymologie d’aestimāre comprise comme l’action d’un agent, *aistómos, ‘qui coupe le bronze’.