28 octobre 2023
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Catherine Milon, « Subjectivations cutanées suite à une perte de poids massive », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.4o4ug9
La chirurgie bariatrique entraîne le plus souvent une perte de poids massive qui a pour conséquence un important surplus de peau. Alors que le corps anciennement gros se normalise et devient normo‑pondéré, l’excès de peau qui apparaît devient un nouveau stigmate qui dévie de la norme cutanée selon laquelle la peau féminine devrait être ferme, jeune, douce et vierge de cicatrices. Les femmes qui sont confrontées à ce problème perçoivent unanimement l’excédent cutané comme un reliquat indésirable de l’ancienne « obésité ». Cependant, il existe des différences dans la manière dont elles se rapportent à leur nouvelle enveloppe corporelle, des « subjectivations cutanées » diverses : tandis que la plupart de ces femmes éprouvent un mal‑être important vis‑à‑vis de leur excès de peau (honte, dégoût), et s’interdisent de s’engager dans différentes activités sociales de ce fait, d’autres s’en accommodent plus facilement et vivent cette peau comme une situation temporaire qui sera palliée par la chirurgie réparatrice. Face à cette peau « rebelle », les femmes enquêtées mettent en place des pratiques de soi qui visent à raffermir la peau et la faire entrer dans la norme : la technologie la plus spectaculaire consiste à avoir recours à une chirurgie réparatrice. Si l’accès à ces chirurgies est inégalitaire, les femmes qui y ont recours auront tendance à vivre positivement leur corps, et ce, même si la « normalisation » du corps reste toujours incomplète du fait de la rançon cicatricielle.