2022
Cairn
Damien Le Guay, « La mort devenue interdite par l’impérialisme de la raison hygiéniste », Transversalités, ID : 10670/1.4pfwx5
La mort sociale est un équilibre culturel qui fut ébranlé durant les crises du Covid. Un nouvel impératif social s’est imposé : la préservation à tout prix de la vie. Ce « quoi qu’il en coûte » d’une vie humaine à préserver a permis que se développe un ensemble d’éléments sanitaires : la prédominance des consignes d’isolement, des protocoles de distanciation sociale, la séparation des corps, la limitation des regroupements. Alors nous avons assisté, à bas bruit, sans éveiller les consciences (on ne peut que regretter cette absence de débat), à un conflit entre deux types de loyauté. La loyauté aux protocoles médicaux et funéraires d’accompagnement de la vie, contre la loyauté aux protocoles sanitaires, administratifs, réglementaires, tatillons jusqu’à l’absurdité kafkaïenne.Considérons ici ce bousculement furieux des protocoles funéraires, bousculement que nous avons constaté lors de la crise du Covid, comme la dernière étape d’une civilisation qui refuse à se penser comme telle, au profit d’une société de cohabitation des corps. Dernière étape d’une déconstruction progressive, par étapes successives, de tous les codes culturels et autres récits venus d’avant nous, qui tous font office de bouclier contre la mort.La raison hygiéniste s’est imposée sans grande opposition. Il nous faut ici interroger sur cet abandon des armatures culturelles qui ont, depuis des millénaires, encadré la mort.