2010
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Fabrizio Speziale, « Les traités persans sur les sciences indiennes : médecine, zoologie, alchimie », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.4qaz8u
Les historiens de la médecine dans le monde musulman ont nourri l'idée que la première modernité est une période de déclin pour les études médicales, caractérisée par une production littéraire de second plan qui ne serait qu'une copie stérile de textes classiques arabes écrits avant le treizième siècle, tel le Qānūn d'Ibn Sīnā (m. 370/980), textes qui eurent par ailleurs, une grande résonance dans le monde latin. Or, l'époque du déclin de la production médicale en langue arabe correspond à celle du développement des études médicales en Inde musulmane, dont la vaste production littéraire en persan n'a encore jamais fait l'objet d'une étude exhaustive. Une analyse plus approfondie des sources montre qu'il serait en effet injustifié de définir le corpus de la littérature médicale indo-persane comme une production manquant d'originalité par rapport à la littérature arabe. Au contraire, la production médicale en langue persane de l'Inde, marquée par des traits indianisants, est précisément caractérisée par son identité spécifique vis-à-vis de l'héritage de la littérature arabe. Les contacts avec les sciences indiennes s'étaient amorcés assez tôt dans le monde musulman et les savants musulmans avaient déjà connaissance de certains éléments scientifiques d'origine indienne bien avant l'implantation du pouvoir musulman dans le sous-continent. La phase indienne des traductions et des traités en persan sur les sciences indiennes commença après l'instauration du sultanat de Delhi, fondé au début du XIIIe siècle. Ce mouvement se développa notamment durant l'époque moghole, plusieurs textes appartenant à la période moghole tardive. Le courant d'études en persan, puis en ourdou, portant sur la médecine et les sciences indiennes doit être considéré comme l'un des grands mouvements de transfert du savoir scientifique réalisés dans le monde musulman. En ce qui concerne la médecine et les sciences de la nature, les études en persan et en ourdou portant sur le savoir indien constituent dans le monde musulman de la première modernité et à l'époque moderne, le mouvement le plus important de ce type à avoir été réalisé à partir d'une tradition préislamique.