Analyse cladistique ou classification cladistique ?

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2014

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Biosystema

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Ernst Mayr et al., « Analyse cladistique ou classification cladistique ? », Biosystema, ID : 10670/1.4qpfpj


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Trois théories de la classification sont aujourd’hui en compétition, chacune prétendant qu’elle est la plus à même de fournir une classification significative et fiable. L’une d’entre elles, la théorie de la cladistique de Hennig utilise le « degré d’ancienneté de l’ascendance commune » comme critère primordial pour la délimitation et la catégorisation des taxons. Cependant, les opposants à la cladistique avancent une objection : on doit faire la différence entre l’analyse cladistique et la classification cladistique. Puisque tout groupe naturel (taxon) doit inclure les plus proches parents, il faut admettre qu’il est indispensable, afin de délimiter un tel groupe, de s’assurer que tous les membres dérivent d’un ancêtre commun ; c’est-à-dire s’assurer que le groupe est monophylétique. La méthode de Hennig, qui classe les caractères en plésiomorphes et apomorphes est parfaitement conçue pour définir de façon non ambiguë l’ancêtre commun. L’analyse cladistique selon Hennig représente donc une importante contribution aux méthodes de la systématique. Toutefois, la possibilité de convertir directement des résultats d’une telle analyse en une classification, ainsi que prôné par les cladistes, est mise en cause par de nombreux systématiciens. Selon la théorie cladistique, le rang de la catégorie (« famille », « ordre », etc.) d’un taxon est déterminé par le point de branchement du dendrogramme, et l’on accorde aux soi-disant groupes frères le même rang. Cela signifie que le point de branchement fixe de façon irrévocable la catégorie des taxons qui vont évoluer subséquemment sans considérer les événements qui ont lieu ultérieurement (à l’exception du branchement). Une telle classification « vers le bas » ne peut donc tenir compte des destins parfois extraordinairement différents des différentes lignes phylétiques qui dérivent du même ancêtre commun. Un groupe qui a envahi une nouvelle zone adaptative (les oiseaux, par exemple) a le même rang que son groupe frère (comme les crocodiles) qui n’a pas quitté la zone adaptative ancestrale. La cladistique classifie exclusivement sur la base des points de branchement au lieu d’évaluer les caractéristiques et les complexes adaptatifs des taxons. Les caractères des taxons ne sont pris en considération que dans la mesure où ils permettent de déterminer les points de branchement. La redéfinition par les cladistes de trois termes techniques largement utilisés – phylogénétique, relation de parenté, et monophylétique – a causé une grande confusion dans la littérature. Il n’y a aucune raison d’abandonner leurs définitions traditionnelles. La multiplication des espèces n’est pas toujours dichotomique et en périodes d’intense spéciation il arrive parfois que trois espèces sœurs, ou plus, émergent simultanément. Les nouvelles caractéristiques diagnostiques d’une ligne phylétique apparaissent souvent bien après sa séparation de l’ancêtre. Dans de tels cas, une classification vers le bas est trompeuse. Il n’est pas réaliste de dissocier du groupe parent les taxons plus anciens d’une nouvelle ligne phylétique, aussi longtemps qu’ils sont liés à lui par le partage de caractères cruciaux. En matière de classification, il est tout aussi irréaliste d’agir comme si l’apparition d’une branche latérale provoquait l’extinction de la ligne principale. Si l’on détermine le rang d’un taxon en fonction du temps géologique absolu qui s’est écoulé depuis le branchement, on aboutit à des contradictions majeures. Tenir compte de l’âge « relatif » n’offre qu’une bien légère amélioration. L’existence de l’évolution parallèle, de la convergence et de l’évolution en mosaïque n’est pas prise en compte dans les classifications des cladistes. Le contenu informatif des caractères plésiomorphes est tout autant ignoré. Le résultat est que le contenu informatif des classifications cladistiques est très réduit. La méthode traditionnelle de la classification, où les deux processus de la phylogénie, le branchement et la divergence subséquente, sont pris en compte de façon égale, est la méthode proposée par Darwin en 1859 et qu’il a utilisée dans ses propres ouvrages de systématique, par exemple sa monographie sur les Cirripedia. Les objections qui ont été levées par les opposants à la cladistique, permettent d’arriver à la conclusion suivante : il n’est pas possible de transcrire directement les résultats d’une analyse cladistique, c’est-à-dire le cladogramme, en une classification.

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