Early hominins in East Africa

Résumé En Fr

Over the past 6 Ma, the ways in which our hominin ancestors (all of our ancient relatives since the last common ancestor with chimpanzees) went about their daily activities has drastically evolved. Their activities were mostly devoted to finding food and shelter, making and using tools for these tasks, and avoiding attack by predators, probably living in small mobile groups. Hominin diets changed from consisting largely of fruits, leaves, and other plant parts, with insects and meat when possible —similar to the diet of modern great apes— to one dominated by cooked domesticated grains and large quantities of meat today. Hominin social behavior, stone-tool-making developments, and landscape use evolved —not necessarily in lock step— towards the mobile, cooperative, symbolic, and projectile-wielding hunter-foragers from which agriculture and complex civilization later sprang. We can try to track this evolution via: the fossil and artifactual evidence for increases in hominin dietary breadth (the inclusion of a more diverse range of plant and animal foods); strontium and other isotopic evidence of individuals moving across more disparate landscapes; and lithic evidence for the selection of stone raw material resources in increasingly complex and specific ways and their movement across longer distances. Mobility patterns evolved from a probable chimpanzee-like loosely structured fission-fusion pattern within circumscribed territories, through stages of increasing territory size and movement organization as foraging (including both gathering and hunting) and technological behavioral complexity increased throughout the Plio-Pleistocene. The earliest evidence of each of these developments is found in Africa, even after hominins were also living in Eurasia. These transitions were longer and more gradual and multifaceted than previously thought. Clearly, more survey and excavation of fossiliferous and artifact-bearing deposits in Africa would do much to address these deficiencies in our knowledge of the evolution of nomadism in our early ancestors.

Anciens homininés en Afrique orientale : territoire, mobilité et technologieBien avant le développement de sociétés humaines plus avancées, la vie quotidienne des homininés anciens était essentiellement dévolue à la quête de nourriture, à la fabrication d’outils et à la recherche d’abris pour se protéger des prédateurs. L’échelle géospatiale et la structuration de ces comportements ont évolué avec les habitudes alimentaires des homininés, leurs habiletés cognitives et techniques, leur environnement, et l’extension de leurs territoires à travers l’Afrique puis dans le reste du vieux monde. Dans ce chapitre, nous examinons l’état actuel des connaissances sur les modes de vie et la structuration de l’espace des homininés anciens à travers trois aspects : le territoire utilisé et parcouru, la mobilité c’est-à-dire la capacité de nos ancêtres à se déplacer à l’intérieur, puis au-delà, des domaines vitaux d’un primate de taille moyenne ; la technologie, dont les types et la complexité sont déterminés par les matières premières disponibles dans un territoire et les habiletés cognitives et techniques des tailleurs mais qui déterminent également la nature des aliments et autres ressources qui pouvaient être extraite de ce territoire.TerritoireLes territoires des homininés peuvent être reconstruits par analogie avec les grands singes africains, par reconstruction de l’espace nécessaire à la diversité de leur alimentation et leur technologie, et par ce que nous disent les squelettes fossiles eux-mêmes, notamment l’anatomie qui reflète leur aptitude à parcourir de plus ou moins grands territoires. En liberté, les chimpanzés sont des animaux sociaux qui vivent en groupes et se défendent collectivement contre les prédateurs et sont connus pour utiliser différents outils dans différentes circonstances ; c’est pourquoi il semble approprié de les choisir comme référents vivants pour tenter de modéliser le mode de vie des homininés et leur organisation. Les territoires des chimpanzés sont comparativement plus larges que ceux des autres primates, ils en utilisent essentiellement l’aire centrale et moins fréquemment les zones périphériques, évitant ainsi des conflits avec les groupes voisins. Essentiellement frugivores, les chimpanzés consomment aussi des noix, des feuilles, du miel, des oeufs, des insectes et des petits mammifères avec une part carnée de leur alimentation ne dépassant pas en moyenne 3 %.Les fossiles à l’origine de notre lignée (au moins 6 millions d’années (Ma) présentent des traits anatomiques associés à la marche bipède. Après 4,5 Ma, les marqueurs anatomiques d’Ardipithecus et Australopithecus montrent qu’ils passaient du temps dans les arbres, probablement à la recherche de nourriture et de refuges contre les prédateurs, leur régime alimentaire étant probablement assez semblable à celui des chimpanzés. Entre 4 et 3 Ma et avec Australopithecus les sites découverts et les études isotopiques apportent la preuve d’une consommation de viande avant la première apparition du genre Homo. consommés étaient vraisemblablement obtenus par charognage, et les outils en pierre utilisés pour couper et marteler. Comme pour les chimpanzés et autres primates non humains, il n’est pas exclu que les oldowayens aient pu utiliser des outils en matières organiques (pas ou rarement conservés dans les archives archéologiques) pour chasser de petites proies. Le charognage implique un déplacement régulier des homininés à travers les grands territoires parcourus par les carnivores et le retour régulier vers des sites où les carcasses pouvaient être consommées et où des outils pouvaient être fabriqués, stockés et utilisés. Au fil du temps, l’interaction avec des espèces de carnivores plus nombreuses et plus diverses, et la nécessité d’augmenter le nombre de sites de stockage (caches) pour les outils et les carcasses, a conduit à l’extension des territoires parcourus, beaucoup plus étendus que ceux des grands singes africains. La taille des groupes aurait augmenté en même temps que la taille des territoires.MobilitéLa méthode des isotopes du strontium sur les dents fossiles est l’une des méthodes employées pour reconstituer la mobilité des homininés anciens. En l’utilisant par exemple dans les grottes de Sterkfontein et Swartkrans en Afrique du Sud pour Australopithecus africanus et Paranthropus robustus, ont montré une plus forte proportion de strontium d’origine non locale chez les homininés de petite taille, comparée aux homininés de plus grande taille. Étant donné le fort dimorphisme sexuel chez les homininés anciens, les petites dents sont attribuées aux femelles qui semblent plus souvent s’être éloignées de leur groupe natal que les mâles. Ce schéma de dispersion est comparable à celui des chimpanzés, bonobos et de nombreux groupes humains, mais différent de ce que l’on observe chez les gorilles et chez d’autres primates.Les études sur la sélection des matières premières et leur répartition dans le paysage constituent une autre méthode pour évaluer la mobilité et l’organisation des homininés dans leur territoire. Déterminer l’origine des matières premières utilisées sur un site archéologique permet de reconstituer à minima les distances parcourues par les tailleurs. Avant 2 Ma, l’approvisionnement en roche reste strictement local ; à partir de 2 Ma, les distances augmentent (jusqu’à 10-13 km) et deviennent plus importantes que celles parcourues par les singes modernes. Les distances d’approvisionnement en matières premières augmentent au cours du Pléistocène inférieur.En dépit de la capacité à fabriquer des outils lithiques et d’une consommation assurément carnée avant 2 Ma, les fossiles du genre Homo de cette époque ne montrent pas d’accroissement de la taille du cerveau, ni de changements dans les caractéristiques faciales et crâniennes et dans la réorganisation des proportions du corps et des membres tel que l’on pourrait s’y attendre avec une technologie lithique qui devient relativement complexe. Les territoires parcourus ne semblent pas être plus vastes. La plupart de ces développements n’émergent qu’entre 1,9 et 1,5 Ma avec la première sortie hors d’Afrique, les premiers indices de l’Acheuléen à 1,76 Ma, un schéma corporel plus longiligne observé sur les fossiles, et le (très éventuel) premier indice d’usage du feu autour de 1,5 Ma. Ces différents développements ne sont pas apparus dans l’ordre chronologique : les homininés vivant hors d’Afrique avant 0,7 Ma taillaient des outils de type oldowayen et non des bifaces acheuléens et n’utilisaient pas le feu. Les industries acheuléennes ne semblent pas contenir d’armes de chasse (lances ou autre projectiles), ce qui pose question sur la capacité des individus de cette période à chasser du gros gibier et sous-entend généralement un degré élevé de nomadisme. L’accroissement de la taille du cerveau et les changements du schéma corporel pourraient être davantage associés à la cuisson des aliments, spécialement celle de la viande. La dispersion des homininés anciens pourrait être par conséquent un phénomène relevant davantage de facteurs écologiques et biologiques que d’impulsions technologiques.TechnologieLes chimpanzés utilisent des outils pour des activités alimentaires (cassage de noix, collecte de fourmis ou de termites) de toilettage, et plus rarement d’intimidation. L’analyse spatiale de l’activité de cassage des noix chez les chimpanzés suggère des stratégies d’exploitation de ressources différentielles, qui renvoient à l’optimisation du temps et à la gestion de l’investissement énergétique qui contraignent la vie des chimpanzés. Il a été suggéré que ces différentes stratégies d’exploitation de ressources, flexibles, dynamiques, opportunistes et économes en énergie pouvaient avoir des affinités avec celles de l’Oldowayen, et donc servir d’indicateurs dans nos scénarios d’évolution. Publié en 2015, la découverte des plus anciens outils de pierre au site de Lomekwi 3 (LOM3) dans le nord du Kenya a fait reculer de 0,7 Ma leur origine (3,3 Ma). Il s’agit d’éclats et de nucléus débités sur enclume, par technique bipolaire, nettement plus volumineux que ceux de l’Oldowayen ancien, ainsi que de lourdes enclumes, de gros percuteurs, et de quelques blocs cassés ou travaillés, tous faits sur des roches volcaniques locales. La technique bipolaire à LOM3 s’apparente davantage à la technique marteau/enclume pratiquée par les chimpanzés pour le cassage des noix, si ce n’est que le matériel du Lomekwien est nettement plus volumineux, et nécessite des habiletés supérieures. Le Lomekwien montre clairement une performance sensori-motrice et un bon contrôle des gestes de percussion au-delà de ce que les chimpanzés sont capables de faire à l’état sauvage. Les marques de percussion visibles sur de nombreux nucleus suggèrent que les tailleurs pouvaient combiner enlèvement d’éclats et activités de percussion autres, en se servant d’outils multi-usages : enclume, nucléus pourvoyeur d’éclats, et/ou outil de percussion. La technologie de LOM3 est déjà suffisamment complexe pour impliquer une asymétrie du cortex préfrontal et moteur, moindre que chez les humains modernes mais plus importante que chez les grands singes vivants. L’accumulation à LOM3 de centaines de « méga-nucléus » et autres outils de percussion pourrait être le résultat d’occupations répétées d’un endroit donné par des groupes d’homininés où ils transportaient des parties de carcasses. Le site correspondrait à un modèle d’occupation du paysage dans lequel des endroits préférés (« favored place hypothesis ») étaient utilisés pour la consommation différée de nourriture, après son transport, et où partage de la nourriture et autres activités « sociales » pouvaient avoir lieu.Les homininés qui à partir de 2,6 Ma ont produit l’Oldowayen ancien taillaient des galets et blocs peu volumineux par percussion directe à main libre nécessitant une préhension plus précise ainsi qu’un bon contrôle neuro-moteur. Ces développements technologiques sont parfaitement illustrés sur le site de Lokalalei 2C (LA2C) dans l’Ouest Turkana où l’habileté des homininés à produire de nombreux éclats (jusqu’à plus de 70) à partir de nucléus d’origine volcanique locale a pu être démontrée ainsi que leur dextérité manuelle. Les auteurs de ces débitages d’éclats (Homo ancien ou Paranthropus boisei) étaient peut-être particulièrement habiles, mais la publication de LA2C a mis fin à plusieurs décennies d’un Oldowayen vu comme technologiquement limité et peu productif. Par ailleurs, si les techniques antérieures (bipolaire et passive) décrites à LOM3, n’ont pas été tout à fait abandonnées, leur usage devient bien moindre que la percussion directe à main libre.À partir des fouilles de plusieurs sites oldowayens et acheuléens en Afrique de l’Est, et se basant sur des études ethnographiques de chasseurs-cueilleurs actuels, Glynn Isaac a proposé plusieurs modèles pour rendre compte des structures sociales des homininés anciens : les sites de type A, qui ne contiennent que quelques outils de pierre taillée — soit des endroits où les homininés se procuraient de la matière première, fabriquaient des outils ; ceux de type B contiennent des outils de pierre et les restes de carcasse d’un seul gros animal — soit de possibles sites de boucherie ; et les sites de types C qui contiennent des outils de pierre et des restes de plusieurs animaux — soit des camps de base, où les homininés dormaient et partageaient la nourriture. Des décennies durant, ces modèles ont stimulé les débats sur la nature et la distribution des sites dans le territoire et sur les comportements de subsistance des homininés anciens.Au cours des derniers 6 Ma, les modes de vie et la mobilité de nos ancêtres homininés ont considérablement évolué. Leur alimentation est passée d’une alimentation similaire à celui des grands singes actuels — essentiellement végétale, incorporant des insectes et autres petits animaux — à un régime alimentaire dominé par des ressources domestiquées et cuites et incluant une quantité accrue de viande. Les comportements sociaux, la technologie et l’utilisation de l’espace ont également évolué — pas nécessairement par à-coups — vers un monde de chasseurs cueilleurs mobiles, coopératifs, possédant des projectiles et une pensée symbolique, desquels émergera l’agriculture et des civilisations complexes. Les premières preuves de ces développements se trouvent en Afrique, alors que certains homininés vivent déjà en Eurasie. Les causes exactes des processus adaptatifs ayant conduit à ces changements comportementaux restent des points d’investigation à explorer.La mobilité chez les homininés anciens, et plus largement leur nomadisme, semblent avoir évolué à partir d’un schéma de fusion-fission à l’échelle de territoires circonscrits et peu structurés (semblable à celle des chimpanzés), vers un schéma territorial au sein duquel la mobilité est devenue plus organisée pour la quête de nourriture, au sein de territoires toujours plus vastes tout au long du Plio-Pléistocène. Ces changements s’appréhendent via les preuves fossiles et artéfactuelles montrant une augmentation de la diversité alimentaire des homininés, via le strontium et autres preuves isotopiques d’individus se déplaçant à travers des paysages plus disparates, et via les évidences apportées par l’étude de l’industrie lithique et indiquant une sélection des ressources en matières premières de plus en plus complexe et spécifique accompagnée de déplacements sur de plus longues distances. Rappelons que pour le très ancien, LOM3 constitue actuellement la seule occurrence archéologique actuellement connue datant de > 3,0 Ma. Par ailleurs, si le nombre des sites découverts datant de > 2,0 Ma a augmenté ces 10 dernières années, il reste encore difficile d’établir des modèles d’occupation du territoire et d’organisation socio-économique qui soient généralisables à l’échelle du Plio-Pléistocène et pour un territoire aussi vaste que celui de l’Afrique de l’Est.

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