28 octobre 2021
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Eric Gaumé et al., « Le cairn du Château d’Angers (Maine-et-Loire, IVe millénaire av. J.-C.) : quand un savoir-bâtir à sec en ardoise locale intègre un modèle architectural du ponant », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.54bfbf...
Les indices d’un cairn découverts en 1997 dans l’enceinte du fameux Château d’Angers ont été évalués en 2002 par l’Inrap, avant d’être difficilement fouillés l’année suivante, en parallèle de la mise en valeur des vestiges médiévaux de la forteresse. Bien que passablement arasée, enterrée et mitée par l’occupation plurimillénaire du site désormais touristique, l’exceptionnelle structure funéraire qui a bien été reconnue s’est aussi, inopinément, révélée d’un intérêt tout autant architectonique que technologique. Suivant la typo-chronologie habituelle, fondée sur le plan et le mobilier funéraire, cette tombe à couloir et chambres circulaires a fonctionné du Néolithique moyen au IIIe millénaire. Le caractère très dégradé des vestiges lui ôte son aspect mégalithique, mais c’est cependant loin d’être un simple amoncellement de pierres. De remarquables maçonneries sèches en ardoise ont été reconnues sous l’éboulis. L’étonnante dimension sub-métrique et minceur pluri-centimétrique de certaines plaques des parements internes des chambres, comme du dernier niveau de pavage du couloir central, dénotent même un indéniable savoir-faire ardoisier. Il semble donc que l’évolution architecturale du cairn se soit accompagnée d’une amélioration du processus d’appropriation des ressources minérales du cru et des techniques d’exploitation de l’ardoise à bâtir. L’analyse de l’architecture du monument s’est appuyée sur l’expertise tracéologique des ardoises, qui a été menée in situ sur le monument préservé. En effet, il fallait pouvoir identifier ce qui relevait de la construction d’origine et ce qui témoignait des nombreux remaniements ultérieurs. Nos connaissances techniques en matière ardoisière étant malheureusement aussi lacunaires que l’appareillage du cairn, cette déficience a été palliée par une approche comparative du milieu des ardoisiers traditionnels de l’Anjou noir – pays de l’ardoise s’il en est -, et plus généralement du nord-ouest de la France. S’il est clair enfin que les bâtisseurs néolithiques d’Angers ont su développer localement un art de la construction monumentale à sec, avec l’ardoise proximale, le type architectural de la tombe pose problème en relevant plus du modèle atlantique que continental. Sauf à considérer que l’implantation de l’édifice en bordure de Maine, vraisemblable axe de circulation de haches polies en jade entre les Alpes et l’Océan, témoigne d’un autre courant d’influences… de constructeurs itinérants, illustré par les pendeloques en pierre pareillement verdâtre du tardif viatique retrouvé dans la plus riche chambre sépulcrale. Cet hypothétique métissage techno-culturel est-il l’œuvre d’un peuple sud-armoricain, non seulement avide de tels objets lithiques autrement plus prestigieux, mais également rompu au mégalithisme à pierres sèches que l’on sait, depuis sa « révolution granitière » au Ve millénaire (tumulus carnacéens, cairns du golfe morbihannais) ? Autant de champs de recherches qui montrent l’intérêt de pousser plus avant les études architecturales de ces monuments.