2019
Cairn
Claudie Voisenat, « Ursum facere ou le sens reconstitué : Rémanences, résiliences et transformations des fêtes de l’Ours du Haut-Vallespir », Sociétés & Représentations, ID : 10670/1.55bd57...
Chaque hiver, dans le Haut-Vallespir, une vallée des Pyrénées-Orientales, de jeunes hommes grimés en « Ours », poursuivis par des « Chasseurs », parcourent les rues des villages pour se saisir des jeunes filles. En dépit de leur ancienneté, ou mieux, en raison d’elle, les fêtes de l’Ours relèvent bien d’une reconstitution : non pas celle d’un passé mis en scène dans sa matérialité, mais celle du sens, perpétuellement reconstruit à mesure que le temps et les transformations sociales viennent l’éroder. Si les gestes et l’expression, « faire l’ours », ursum facere montrent une singulière rémanence, aussi loin que remonte notre documentation, depuis le milieu du xixe siècle au moins, les raisons de le faire n’ont pas cessé d’être réélaborées, restaurant en permanence la cohérence qui donne sens à l’expérience, en permet le renouvellement et la répétition qui lui donne valeur de rite. Réutilisations, emprunts, transferts, sont à l’œuvre, utilisant les recouvrements successifs des discours autochtones par ceux de la religion tout d’abord, de l’érudition locale ensuite, des sciences humaines. Leur récupération, on pourrait dire leur indigénisation récente, par une communauté soucieuse d’énoncer et de valoriser sa propre culture, ne cantonne pas la reconstitution dans la fidélité à une vérité originelle, unique. Reconstituer la cohérence, c’est avant tout orchestrer une polyphonie. On tente ici d’en isoler quelques voix.