2021
Cairn
Claire Pagès, « Lyotard et la petite vérité ou ce que nous ne voulons pas perdre », Cahiers philosophiques, ID : 10670/1.56sfx5
Bien plus qu’une position relativiste ou nihiliste, on reproche parfois aujourd’hui à Lyotard d’avoir fait le lit de la « post-vérité » par la promotion de la multiplicité de jeux de langage sans au-delà et sans principes généraux de validation. Par un raccourci stupéfiant, on y lit l’affirmation que les discours sont tous également légitimes et ne doivent posséder comme autre principe de validation que le fait d’avoir été proférés. Si l’accusation d’un Lyotard inspirateur d’une forme de « post-vérité » nous semble infondée, c’est que la pensée et la parole s’attachent toujours pour lui à « quelque chose » dont il faut avoir le souci ou qu’il faut chercher à entendre. Lyotard nous semble moins soucieux de relativiser ou, comme on l’en accuse aujourd’hui, d’abandonner l’exigence de vérité que de montrer, d’une part, que celle-ci peut se dire en plusieurs sens, et, d’autre part, qu’on ne vient pas à bout de cette dernière aux moyens de ce qu’il nomme « le discours ». Que ce soit par la pensée, la parole, la création ou l’action, on s’attache toujours à « quelque chose » dont on a souci, et la promotion de la multiplicité dans le champ de la vérité vise non à s’affranchir du vrai mais à se montrer à sa hauteur par un élargissement des perspectives qui ne le cantonne pas à un seul genre de lieu.