2013
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André Robert, « Conclusions (L. Frajerman dir., La grève enseignante en quête d'efficacité) », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.5ddb65...
Les savoirs déployés, sous une forme ou une autre, par les militants et les savoirs mis en oeuvre par les chercheurs participent tous, chacun dans son registre, à la construction de l'univers syndical et à sa réflexivité. Cette « épistémologie ordinaire du syndicalisme », selon le mot de Philippe Corcuff, met l'accent « sur ce qui rapproche, en plus de leurs parentés lexicales, les sociologies professionnelles et les sociologies des acteurs : elles tendent à mettre en oeuvre une même famille d'usages, usages cognitifs visant donc à la connaissance, au repérage, à l'interprétation et à l'évaluation » 1 . Le colloque « La grève enseignante en quête d'efficacité », organisé à l'initiative de l'Institut de recherches de la FSU et de Laurent Frajerman, l'animateur de son chantier sur le syndicalisme enseignant, a été à mon sens une bonne illustration de cette épistémologie ordinaire, la position de chercheur n'excluant pas celle du militant, non plus que celle du militant celle du témoin réflexif et prospectif, voire du chercheur -cet ouvrage en donne plusieurs exemples. Pour autant personne n'a songé ici à tenir une position extrême en supposant l'homogénéité totale des savoirs syndicaux et des savoirs savants, « sans hiérarchie aucune » comme ont pu le soutenir parfois certains auteurs 2 , position dans laquelle il n'y aurait rien à gagnersi elle était prise à la lettre -que de la confusion entre logique de la connaissance et logique de l'action (même si les deux s'alimentent, doivent s'alimenter, heureusement, l'une l'autre). En tout état de cause, ainsi que l'a écrit Alain Dalançon, c'est la circulation entre les deux pôles d'interventions ici définis -telle que la suscite l'organisation de colloques comme celui-ciqui est particulièrement enrichissante, et l'on peut se féliciter que ce livre perpétue de la sorte ce que le CRHMSS (Centre d'Histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme) avait initié en faisant systématiquement se confronter et s'enrichir mutuellement grands témoins du syndicalisme enseignant et chercheurs sur cet objet 3 . Notons que, si un seul article adopte une posture franchement prospective en posant la question : comment gagner ? (Jean-Michel Drevon), bien que la plupart des communications aient eu un caractère (quasi nécessairement) rétrospectif, celles-ci ne se sont pas affranchies pour autant de la considération, tournée vers l'avenir, de l'efficacité. Cela témoigne bien du va-et-vient entre les deux champs de référence dont j'ai parlé, mais sans confusion entre les deux logiques. La grève : un objet pertinentJe me réjouis de ce que la grève ait été choisie comme thème de cette grande manifestation publique du groupe Syndicalisme enseignant parce que j'ai la conviction (mise en oeuvre dans les travaux que j'ai conduits ces dernière années au sein de l'ISCHE 4 ) que le phénomène gréviste revêt une importance particulière au regard de la profession enseignante, à la fois évidemment comme élément, moment et ferment actionnel sur un plan pratique, mais aussi comme révélateur identitaire sur un plan socio-historique (du point de vue de la sociohistoire des groupes professionnels). Sous le premier aspect, la grève participe du processus de construction d'un rapport de forces le plus favorable possible au groupe enseignant face à l'Etat employeur ou à ses représentants locaux. Elle est un élément de ce processus (parmi d'autres), un moment (cristallisateur), et constitue aussi un ferment (car, une grève n'étant jamais définitive, l'action est vouée à reprendre et à se poursuivre après). Comme ce livre le montre abondamment, notamment dans le compte rendu de la table ronde, une grève, même de 24 heures, ne se décrète pas, etsans vouloir caractériser ce type d'action dans l'abstrait, « hors sol » -elle prend place dans un continuum où elle a pu être précédée par un travail d'information (réunions élargies, tracts, pétitions), par de premières négociations avec les autorités, des manifestations, etc. En tout état de cause, les initiateurs des grèves tentent toujours de déterminer le moment le plus opportun pour décider d'y recourir. Même dans les cas, par exemple au printemps 2003, où la grève semble partir de la base, ce qui est en partie vrai, il convient de se rappeler que le mouvement a été préparé et construit dès la rentrée 2002 par des initiatives syndicales, particulièrement de la FSU (première grève le 17 octobre, puis manifestation centralisée à Paris le dimanche 8 décembre, participation aux journées d'action interprofessionnelles contre le projet sur les retraites …). Il en va de même à l'échelle d'un département, comme en Seine-Saint-Denis où, sur la base de conditions