2024
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Samuel Hayat, « Les ouvriers peuvent-ils écrire ? Pour une histoire sociale des idées ouvrières au XIXe siècle », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.5281/zenoDo.13834618
Une histoire sociale des idées ouvrières vise à rendre compte du rôle des idées dans la construction de la classe ouvrière, à partir de l’étude des textes produits par des ouvriers. Ces textes se trouvent concentrés, au XIXe siècle, dans les moments de crise politique, par exemple en France les révolutions de 1830 et de 1848, ainsi qu’à la fin du Second Empire. Des ouvriers y écrivent alors des textes au nom de la classe ouvrière. Pour rendre compte des conditions de possibilité d’écriture de ces textes sans céder au populisme, on peut les voir comme les résultats d’activités métapragmatiques d’interrogation sur les conditions mêmes d’existence d’un sujet ouvrier, situées dans la continuité de la désorganisation révolutionnaire du monde du travail, notamment par l’interdiction des corporations, qui forcent les ouvriers à s’interroger collectivement sur leurs modalités d’organisation. Les textes produits pendant les moments de crise sont alors rendus possibles par une activité souterraine continue d’écritures ouvrières, qui restent en-deçà de la visibilité pour l’histoire des idées car elles prennent des formes non reconnues par cette discipline, comme des écrits techniques, des statuts d’association ou des revendications – dont on trouve des témoignages, par exemple, dans les multiples expressions des typographes parisiens au XIXe siècle. Ces textes issus du monde du travail, dont les concepts et les idées se trouvent réinterprétés par les ouvriers eux-mêmes au moment des crises politiques, peuvent alors servir à un renouvellement des sources de la philosophie politique.