Le salut par la santé : ce que l’histoire du travail nous apprend sur la crise sanitaire de 2020

Résumé Fr En

La Covid-19 révèle la religiosité spécifique de notre société occidentale qui repose sur la croyance en la toute-puissance d’une technostructure de gestion capable de contrôler les maladies qui nous menacent. Prenant l’histoire de la santé au travail et de sa pathologisation comme exemple, l’article montre comment la rationalité managériale dans les entreprises tire sa légitimité et son pouvoir de sa capacité à 1) définir ce qu’est une maladie professionnelle et 2) maîtriser les outils qui permettent aux travailleurs de s’en protéger. La confiance de la population dans les experts gestionnaires n’est acquise que dans la mesure où ils lui assurent qu’ils travaillent pour sa santé dans un environnement que ces mêmes experts décrivent comme potentiellement de plus en plus pathogène. Cette dialectique explique la soumission massive des populations aux injections des managers lors de la crise sanitaire de 2020. Mais elle contient les germes de risques quant à la pérennité de telles croyances.

Covid-19 reveals the specific religiosity of our western society which is based on the belief in the omnipotence of a managerial technostructure capable of controlling the diseases that threaten us. Taking the history of occupational health and its pathologization as an example, the article shows how managerial rationality in companies derives its legitimacy and power from its capacity 1) to define what an occupational disease is and 2) to master the tools that allow workers to protect themselves from it. The confidence of the population in expert managers is only acquired insofar as they assure them that they are working for their health in an environment that these same experts describe as potentially increasingly pathogenic. This dialectic explains the massive subjection of populations to injections from managers during the health crisis of 2020. But it contains the seeds of risks as to the sustainability of such beliefs.