Savoir et développement : les appareils épistémiques dans le contexte mondial

Résumé 0

Le savoir est devenu une ressource décisive et un atout pour le développement local et mondial, en particulier depuis que la Banque mondiale a lancé, en 1999, le paradigme du « savoir au service du développement ». Du fait des structures de gestion nouvelles et des réseaux sociaux à support technologique auxquels ils font appel, les organismes de développement et les experts en la matière sont des acteurs clés de la production de savoir du monde et de l’orientation de ce savoir. Dans les différentes régions du globe, ces experts ont mis en place une puissante communauté épistémique transnationale et ils jouent un rôle stratégique dans le partage du savoir mondial. Au cours du processus de transformation électronique, celui-ci est modéré, codifié et normalisé afin que sa diffusion et son éventuelle acquisition s’en trouvent facilitées. Nous décrirons l’émergence de cette architecture particulière du savoir mondial et les modes d’ingénierie de la connaissance y afférents, et l’on verra que ces efforts inédits de coopération pour le développement, qui ont pour objectif ambitieux de combler l’écart de savoir et la fracture numérique entre le Nord et le Sud, reproduisent exactement les disparités mêmes qu’ils visent à supprimer. Des stratégies conçues dans les meilleures intentions finissent par créer un « piège du savoir », comme le prouvent les données empiriques que nous livrons ici, empruntées à l’Asie centrale et l’Asie du Sud-Est, ainsi qu’à l’Afrique de l’Ouest. Nous plaiderons donc en faveur d’une stratégie de la diversité dans la coopération pour le développement et de constellations nouvelles des valeurs attachées au savoir mondial et aux savoirs locaux dans le cadre de la création de sociétés du savoir consistantes, solides et dynamiques.