16 novembre 2021
Valérie Gelézeau et al., « Faire du terrain en Corée du Nord: Écrire autrement les sciences sociales », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.5qauzd
Dans le paysage de l’édition française et internationale, aussi bien académique que destinée à un plus large public, la Corée du Nord n’est connue qu’à travers l’éternel retour de la crise nucléaire et la dynamique cyclique des relations inter-coréennes. Mais au delà de ces ouvrages de facture plutôt géopolitique, relayés par des discours médiatiques très répétitifs sur le « Pays du grand mensonge », quelques chercheurs passionnés d’études coréennes s’efforcent, depuis plus de dix ans, de développer un contact direct avec la Corée du Nord et leurs collègues de ce pays.Quelle recherche scientifique peut-on mener dans le contexte fermé d’un pays totalitaire où l’enquête ethnographique est impossible ? Que rapportons-nous de nos voyages et que disons-nous de la Corée du Nord ?Tout en livrant de nombreux matériaux peu connus sur la Corée du Nord (des glossaires de réalités sociales contemporaines à des collections de chansons de karaoké locales en passant par des données sur la planification et l’organisation spatiale de Pyongyang aujourd’hui), ce livre aborde aussi de manière critique, non pas la question du terrain en Corée du Nord, mais celle du terrain en général. L’aborder avec humour ou par l’absurde (en supposant que les chercheurs sont eux-mêmes des « thomassons », ces objets urbains qui ont perdu leur sens et leur contexte) constitue une véritable réflexion critique sur cette méthodologie fétichisée par un grand nombre de disciplines des sciences humaines et sociales.Le livre interroge aussi le bien-fondé de la restitution académique ordinaire, l’article ou l’ouvrage scientifique, la communication dans un congrès, voire l’article de vulgarisation. Nous y partageons certes nos réflexions théoriques sur l’épistémologie du terrain sous contraintes, mais aussi nos notes de terrains, nos obsessions et nos émotions. A quoi bon traduire le formulaire du pressing de l’hôtel ou toutes les chansons révolutionnaires d’un concert de Moranbong ? Pourquoi faire d’interminables listes de mots et se disputer à propos de choix de transcription ? En quoi la peur, la colère ou la tristesse que nous pouvons éprouver sur le terrain sont-ils spécifiques au fait d’être en Corée du Nord ? Au-delà du manifeste de retour de terrain que ce livre peut représenter, nous pensons qu’il est possible de livrer du savoir sur la Corée du Nord et de la réflexion critique dans nos champs, de manière décalée, parfois provocatrice, avec des textes absurdes, de la poésie, un quizz, des extraits de nos journaux de terrain et les mails bizarres échangés en préparant le voyage.Enfin, tout comme le texte s’affranchit des canons de l’écriture académique pour laisser plus de place à une forme de créativité littéraire et poétique, nous avons spécialement travaillé les illustrations. Pour cela, nous avons sollicité l’œil et le trait de l’artiste nord-coréen exilé au Sud, Sun Mu, qui a redessiné nos images et accepté d’illustrer les storyboards de quelques moments sur le terrain.Ce livre peut trouver son lectorat aussi bien dans le cercle des études coréennes et des nombreuses sciences humaines et sociales de « terrain » que dans la vaste communauté des lecteurs curieux de l’Asie, impatients de lire enfinquelque chose de nouveau et différent sur la Corée du Nord.Textes de: Yannick Bruneton (Université de Paris), Evelyne Chérel-Riquier (La Rochelle Université), Koen De Ceuster (Université de Leyde) Alain Delissen (EHESS), Henri Desbois (Nanterre Université), Françoise Ged (Cité de l’architecture & du patrimoine), Valérie Gelézeau (EHESS), Benjamin Joinau (Hongik University), Pauline Guinard (ENS).