Déconstruire le dessin d’architecture pour construire le dessein de recherche: Comment dessiner pour appréhender et traduire les formes pensées et vécues de l’espacearchitectural ?

Résumé 0

A l’occasion de cette journée d’étude, je souhaite présenter une partie du travail de recherche que je mène dans le cadre d’une thèse de doctorat en architecture et dont la soutenance est prévue en 2021. Ce travail s’intéresse à l’hôpital sous différentes échelles : depuis l’échelle urbaine d’implantation, de situation et d’accessibilité jusqu’à l’échelle plus restreinte de la chambre, du bureau…, en somme, celle de la spatialité et du vécu quotidiens de l’espace architectural. Ce travail favorise également des interactions entre, d’un côté, l’espace conçu et pensé par les maîtres d’œuvre et, de l’autre, l’espace vécu par l’expérience des patients, des accompagnants et du personnel hospitalier. Par conséquent, différents procédés et médiums graphiques (le dessin sous forme de croquis, de diagramme et de schéma) sont mobilisés pour diverses finalités et ce, à chaque étape de la recherche, du recueil des matériaux de terrain et des documents d’archives, à leur compréhension, interprétation et communication. Je souhaite, dans un premier temps, montrer la manière dont le recours au dessin a permis de pallier les lacunes rencontrées lors de la constitution du corpus graphique et technique inhérent au processus de conception du projet de l’hôpital Jeanne de Flandre. Pour ce faire, l’entretien avec l’architecte Wladimir Mitrofanoff et mon expérience spatiale en tant qu’architecte-chercheure ont permis de reconstituer des schémas et axonométries afin de déconstruire les volumes et les plans existants de l’hôpital afin de lire le projet, de reconstruire un versant de son histoire et de l’inclure dans une histoire de l’architecture. Et ainsi : 1/ d’analyser les critères de son implantation dans le site et la symbolique de ses formes extérieures ; 2/ de poser les hypothèses sur les relations géométriques et topologiques entre les espaces et les activités d’accueil, de soins et d’hébergement. Dès lors, une question s’est posée sur la définition du dessin de recherche et sa différence avec le dessin d’architecture : Comment le chercheur peut-il procéder pour révéler, d’une part, le dessin d’architecture exprimant le processus de spatialisation du projet pensé et, d’autre part, le dessein du projet construit incluant les modifications apportées par les spatialités en œuvre ?Dans un second temps, je souhaite interroger le relevé de terrain, ces différents registres et modes de représentation relatifs au moment de l’observation, à sa situation et aux possibilités de l’observateur. Durant l’enquête de terrain, le schéma, le croquis et le relevé ont constitué des outils ethnographiques indispensables en me permettant de m’orienter dans la complexité de l’organisation spatiale et médicale hospitalière, de relever les usages et leurs modifications ainsi que les stratégies d’aménagement et d’appropriation . Par conséquent, lorsque la recherche consiste à tenter « de rendre compte de l’espace habité » , le dessin serait un moyen de compréhension, à la fois, de l’espace pensé, de l’espace perçu et de l’espace social et vécu. Cet enjeu interroge la finalité du relevé de terrain, devrait-il être un dessin de représentation ? Et de ce fait, devrait-il répondre à certaines exigences normatives et disciplinaires ? Dans un troisième temps, un autre mode de représentation, le dessin de recherche, est apparu pendant le processus d’interprétation de l’architecture et aux croisements avec les matériaux et corpus recueillis. Il s’agit d’un relevé qui, comme l’écrit Daniel Pinson, « peut révéler par lui-même et, surtout, mis en rapport avec le discours de l’habitant, il est susceptible de consolider une interprétation » . La représentation comme procédé de confrontation entre la spatialisation du projet et son vécu interroge la possibilité de « contrôle » que peut exercer le maître d’œuvre sur l’espace. Il en découle une hypothèse selon laquelle ce contrôle ne serait qu’illusoire car pouvant s’exercer, potentiellement, sur le dessin du projet virtuel et serait remis en question par le dessein de l’œuvre construite. Aussi, comment les modes de représentation graphique et leur évolution en fonction des différents moments de la recherche, des situations et des besoins ont-ils orienté la lecture et l’interprétation de l’architecture ? Comment structurer l’articulation entre le dessin de reconstitution du processus créatif, le relevé de terrain et le dessin de recherche pour analyser l’architecture et en communiquer les conclusions ? Cette articulation témoignerait-elle du processus créatif de la recherche comme le ferait le dessin du maître d’œuvre ?Comme le texte littéraire qui se construit à travers l’écriture et la réécriture, le dessin peut être dessiné, redessiné, décomposé et recomposé de manière à révéler à chaque tentative des éléments de compréhension supplémentaires. Cette hypothèse implique que le mode de représentation ne serait pas définitif et permettrait d’interpréter les résultats de la recherche tout en se construisant parallèlement au texte. Le dessin comme outil de documentation et de recherche sera ainsi exploré tout en interrogeant son rôle et son statut dans la recherche en architecture. Bibliographie Biasi de Pierre-Marc, « Le dessin de l’architecture et la genèse de l’œuvre », Livraisons de l'histoire de architecture, n° 30, 2015, 93-102. Fredet Jacques, Architecture mettre en forme et composer : le dessin d'architecture : composer, décomposer et recomposer. Volume 3 ; Nouvelle édition revue et enrichie, Paris : Editions de La Villette, 2018.Frémont Armand. « À propos de l’espace vécu », Communications, n° 87, 2010, pp. 161-169.Nathalie Mercier, « L’espace hospitalier comme révélateur des pratiques professionnelles au sein des services de soin », Communication et organisation [En ligne], n°21, 2002, mis en ligne le 27 mars 2012, consulté le 25 octobre 2015.Pinson Daniel, « l’habitat, Relevé Et Révélé Par Le Dessin : Observer l’espace Construit Et Son Appropriation », Espaces et sociétés, 2016/1, n° 164-165, pp. 49-66.Tufano Antonella, « Dessins et design : représenter l’espace mental de l’architecture : les dessins déconstructivistes de Daniel Libeskind : Micromegas », Livraisons de l'histoire de l'architecture, n°30, 2015, pp.81-92.Younès Chris et Bonzani Stéphane, « Représenter, imaginer, projeter », Le Portique [En ligne], n° 25, 2010, document 5, mis en ligne le 25 novembre 2012, consulté le 01 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/leportique/2481