2022
Cairn
Itsu Horiguchi et al., « Le waza du washi : Anthropographie d’un artisanat traditionnel au Japon », Techniques & Culture, ID : 10670/1.5y6fw5
La fabrication traditionnelle de papier dans le village de Kurotani dans les montagnes au nord de Kyoto a fait l’objet de recherches et d’entretiens depuis une quinzaine d’années par Y. Yonehara et, lorsque l’un d’entre nous (F. Joulian) a proposé une enquête anthropographique sur le waza au Japon, ce terrain a semblé idéal pour explorer cette nouvelle démarche impliquant sur un même terrain, une artiste, un designer, un anthropologue et un mangaka. L’enjeu du terrain est ici d’explorer, selon des expériences et points de vue disciplinaires distincts des techniques d’enregistrement de différentes natures : notes et enregistrements sonores, photo, vidéo, et dessins, afin de décrire l’art original de ces artisans, leur waza, que l’on capture sur le lieu même d’exercice du métier et dans ses conditions et contraintes actuelles.L’article que nous avons rédigé s’articule avec d’autres productions (vidéos, photos et un catalogue dessiné en plus d’une exposition) qui viennent le compléter en utilisant différents médias. Il explore ces savoir-faire particuliers sous l’angle de leur patrimonialisation (ils sont classés au rang du patrimoine immatériel) et des effets positifs ou négatifs que cela peut entraîner dans le cadre de la pérennité même des savoir-faire de l’activité, mais également dans l’articulation de ce métier aux différentes filières et autres métiers qu’il conditionne et qui le conditionnent et sur lesquels nous avons également enquêté (imprimerie, fusuma, karakami, lanternes…). Deux exemples nous permettent de saisir la vie du papier, de l’arbre à l’objet, et, à travers différents métiers, de nous interroger sur l’articulation des différents savoirs, sur leur parenté, leur segmentation ou leur continuité mais aussi de nous questionner sur la matière même travaillée et en quoi elle entraîne avec elle, gestes, exigences et des engagements communs.Le dialogue avec cette matière particulière, qui se transforme au fur et à mesure qu’elle se travaille, est issu de la pulpe des mûriers (kozo) et de l’eau, via des instrumentations simples (chaudrons, éviers, cadres, séchoirs) mais aussi des recettes processuelles et gestuelles subtiles. Ce dialogue avec la matière engage-t-il les artisans dans un même bain de valeurs, d’exigences, de plaisirs de faire, propices au maintien du waza, ou à l’inverse, à le circonscrire et le fragiliser ? La reconnaissance culturelle et les demandes nationales et internationales pour ce type de papier assureront-elles la pérennité des processus ? Les instruments ou les systèmes techniques associés (couteaux d’acier, la colle naturelle des racines de tororo aoi, la mutualisation des savoirs régionaux par le syndicat…), sont-ils suffisamment stables et robustes pour garder l’activité attractive pour les jeunes générations ? Le waza des artisans du washi est bien sûr aussi affecté par ces facteurs externes, difficilement saisissables par la photographie ou le dessin et notre exploration « anthropographique », par-delà l’enjeu de capturer le métier et les gestes inédits des artisans, consiste également à dire les différentes vertus analytiques et narratives du texte, de l’image ou du dessin, et d’esquisser une véritable proposition « multimédiatique » et scientifique, de l’enregistrement à sa diffusion publique.