2019
Cairn
Jérôme Fourquet et al., « Cent ans d’immigration racontés par les prénoms », Hérodote, ID : 10670/1.5zmjvw
L’étude des prénoms s’avère une méthode extrêmement féconde en enseignements sur les phénomènes migratoires qu’a connus et que connaît encore la France. Le fichier Insee des prénoms attribués aux nouveau-nés chaque année en France, qui se décline également à l’échelle départementale, offre la possibilité de suivre l’histoire des immigrations en France depuis 1900. La disparition rapide des prénoms d’origine pour les immigrations polonaise et portugaise, notamment une fois les flux migratoires taris, montre la puissance de la machine assimilatrice républicaine. L’analyse des listes électorales du 13e arrondissement de Paris montre que 75 % des Français issus de l’immigration asiatique (Vietnam, Laos, Cambodge, Chine) portent un prénom français ou européen, un choix pragmatique à même de faciliter leur intégration. L’analyse anthroponymique permet aussi d’étudier et de mesurer la montée en puissance du groupe ethnoculturel arabo-musulman (par ailleurs fortement hétérogène) au sein de la société française depuis la Seconde Guerre mondiale, sa diffusion sur le territoire au fil des décennies et sa très inégale répartition sur le territoire métropolitain. Le dépouillement des listes électorales de Marseille montre, à l’échelle locale, une ségrégation plus grande encore avec des bureaux de vote où plus de 50 % des électeurs inscrits portent un prénom issu des mondes arabo-musulmans, ces bureaux se trouvant essentiellement au nord du centre-ville et dans les arrondissements septentrionaux de Marseille, quand cette proportion est inférieure à 5 % dans de nombreux bureaux du sud de la ville. Cette inégale répartition dessine une correspondance quasi parfaite entre le taux de prénoms arabo-musulmans dans les bureaux de vote et le taux de pauvreté au niveau local (carroyage Insee de 200 mètres de côté). Enfin, les concentrations notables (comoriens, arméniens) selon des temporalités et des modalités très différentes ou au contraire la diffusion de certaines communautés (pieds-noirs) montre la différence des parcours individuels et collectifs en fonction de l’origine des immigrés à Marseille.