30 juillet 2022
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Lindsey Dodd, « “It’s not what I saw, it’s not what I thought”: », Conserveries mémorielles, ID : 10670/1.6137uj
Cet article restitue les récits oraux de trois personnes qui ont vécu la Seconde Guerre Mondiale en France alors qu’ils étaient des enfants. Il interroge leurs insatisfactions vis-à-vis des versions dominantes du passé émanant des discours publics qui font autorité. Rachel fut une petit fille juive persécutée, violentée et sauvée ; Anne-Marie était la fille d’un résistant français travaillant dans les chemins de fer qui fut déporté et assassiné ; Grégoire était un enfant évacué qui survécut à un violent bombardement. A différents moments au cours de leur vie d’adulte, chacun a expérimenté une troublante forme de dissociation entre leur histoire personnelle, telle qu’ils l’ont vécue et l’ont ressentie, et l’histoire nationale et académique, telle qu’elle est restituée. Chacun a cherché à panser cette blessure de diverses façons, en privé et de manière publique. Norquay (1999) a montré combien l’oubli est « un processus actif qui peut impliquer le déni, le refus, le discrédit, la mise sous silence, l’omission » ; cet article s’attache à décrire le pouvoir que génère le sentiment d’être oublié, dénié, refusé, disqualifié, mis sous silence ou omis, inspirant des actions qui défient les discours hégémoniques. Au cœur de son argumentation est un appel à prêter attention à « ce que font les sentiments » dans les sociétés (AHMED, 2014). Alors que la plupart des travaux académiques influents sont dédiés à des analyses par « le haut » des cultures mémorielles liées à l’après-conflit en France, peu de recherches se sont intéressées aux souvenirs personnels des personnes « ordinaires » ou de « peu d’importance », et en particulier aux enfants ; leurs voix et les revendications qu’elles portent ont été souvent réduites à une concurrence susceptible de nuire à la « cohérence du récit national » (WIEVIORKA, 2012), tandis que l’incapacité ou l’absence de volonté du discours historique hégémonique à les écouter a créé en retour des sentiments de honte, d’exclusion et de ressentiment.