29 janvier 2014
Yohan Dubigeon, « La démocratie des conseils : aux origines modernes de l’autogouvernement », Archive ouverte de Sciences Po (SPIRE), ID : 10670/1.654i16
Au travers de l’apparition de communes, de comités, de conseils ou d’assemblées révolutionnaires, le tournant du XIXe et du XXe siècle charrie des expériences démocratiques qui, au-delà de leur importance pour le mouvement ouvrier, élaborent des composantes de la théorie démocratique moderne aussi riches que sous-évaluées. En se positionnant en extériorité vis-à-vis de l’Etat, ces expériences politiques participent d’une définition moderne de la démocratie radicale, envisagée comme autogouvernement ou démocratie par en bas. D’un point de vue strictement politique, la démocratie des conseils invente un certain nombre de principes qui, par l’accroissement de la dimension horizontale et la limitation de la dimension verticale de la démocratie, font sens vers la déprofessionnalisation de l’activité politique et la mise en cause de la relation dirigeant / exécutant. La compréhension stratégique de ces mouvements permet également de saisir des dynamiques communes. En articulant les tâches de destruction des structures politiques existantes, et de construction de rapports sociaux nouveaux, la démocratie des conseils réarticule la temporalité de transformation sociale, dans un équilibre instable entre brèche insurrectionnelle et institutionnalisation à long terme. Bien qu’occultés du paradigme socialiste, les courants conseillistes accompagnant ces mouvements élaborent des pratiques et théories de la transformation démocratique originales. Entre critique du substitutisme léniniste et méfiance envers le spontanéisme politique, ces théories restent d’une grande actualité pour qui s’intéresse aujourd’hui aux stratégies de transformation sociale et démocratique.