Trajectoires migratoires et sociales des manucures chinoises en Île-de-France Migration and social trajectories of Chinese manicurists in Ile-de-France Fr En

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13 décembre 2024

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Yijing Jiang, « Trajectoires migratoires et sociales des manucures chinoises en Île-de-France », Theses.fr, ID : 10670/1.65fcc9...


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La migration chinoise de travail en France depuis la fin des années 1990 est marquée par un processus de féminisation et de prolétarisation. Cette thèse étudie ce phénomène migratoire dans la manucure, et retrace l’expansion d’une niche économique, ethnique et genrée dans les années 2010 en région parisienne. De deux à trois personnes sur le marché du soin des ongles, ces femmes y sont passées à environ 1 500 travailleuses 15 ans plus tard. Leur présence s’est étendue à d’autres quartiers, régions, voire pays européens.Pourquoi ces femmes, se sont-elles tournées massivement vers cette activité professionnelle aux conditions de travail précaires ? Pourquoi ces travailleuses souvent sans-papiers se sont-elles coupées de la sécurité des réseaux traditionnels des enclaves chinoises parisiennes, qui leur permettent de vivre et de travailler, même sans parler français ?Notre enquête statistique et ethnographique a été menée entre 2014 et 2020 auprès de centaines de manucures seules et primo-arrivantes. Outre l’examen du contexte macro-structurel expliquant la féminisation de l’émigration chinoise, cette thèse privilégie une approche par études de cas. L’imaginaire sur la mobilité de travail transnationale ainsi que sur la France a été questionné pour reconstituer les projets migratoires de 89 manucures en France. L’enquête a établi trois profils-types, les « anciennes ouvrières délaissées », les « travailleuses précaires mobiles », et les « migrantes professionnelles », associés à trois vagues de migration.La thèse montre le caractère ambivalent de « l’enclave ethnique », qui joue le rôle de « sas », mais dans laquelle ces femmes se retrouvent soumises à un endettement moral et financier, ainsi qu’à un contrôle social. Trouvant leurs premiers emplois et logements grâce aux réseaux régionaux chinois en France (laoxiang 老乡), ces femmes parviennent grâce à la manucure à s’en extraire, mais restent sans-papiers. Elles ont construit un réseau nouveau de femmes issues de toute la Chine qui travaillent pour des patrons non-chinois. Elles se forment entre elles, de façon horizontale, avec le shituzhi, un compagnonnage entre « sœurs » (jiemei 姐妹) qui assure une place dans un salon de manucure et une maîtrise des dernières techniques à la mode. Le logement de ces femmes constitue un déclassement mais assure une liberté vis-à-vis des règles sociales (guanxi 关系), et leur vie frugale mais bien organisée leur permet, hors des jugements traditionnels, de préparer leur retour en Chine. Néanmoins, ces femmes en situation irrégulière y subissent une exploitation comme main-d’œuvre bon marché. En 2014, une grève médiatisée soutenue par des syndicats français suivie d’un procès et d’une propagation des revendications à plusieurs boutiques de manucure nous permet de décrire l’agentivité de ces travailleuses précaires. Dans un salon à Paris un retard de paiement et une rumeur de fermeture a permis le rapprochement des manucures avec des coiffeuses sans-papiers originaires d’Afrique et une lutte collective devenue un modèle pour des grèves similaires dans d’autres salons. Son issue, victorieuse, a permis de condamner les gérants pour traite d’êtres humains en 2018, des régularisations, des améliorations des conditions de travail et le versement des salaires. Toutefois, certaines, déjà uberisées et moins expérimentées dans la lutte syndicale, a peu gagné. La modernisation de la niche ethnique, de l’activité et de son image sur internet, et l’extension des services, autorisent l’espoir d’une normalisation des conditions de travail, d’une reconnaissance des compétences, et la poursuite de l’activité au retour en Chine, où le travail du care est en plein essor. Cette thèse explique les mobilités spatiales et sociales des travailleuses et met en évidence le coût humain de l’illégalité et les ressources que construisent les femmes migrantes précarisées.

Chinese labor migration to France since the late 1990s has been marked by a process of feminization, but also of proletarianization. This thesis studies this migratory phenomenon through the cases of women working in the manicure sector in Paris and in the Paris region, and traces the emergence and expansion of an ethnic and gendered economic niche in the 2010s. From two to three people in the nail care market at the beginning of 2000, these women have grown to around 1,500 workers in the Paris region fifteen years later. Their presence, initially concentrated in a single Parisian district, has spread widely to other French regions, and even to other European countries. How did this expansion come about? Why do these women -working in extremely precarious conditions- still join this professional activity on a massive scale? Why do these mostly undocumented workers cut themselves off from the relative security of the traditional networks of Parisian Chinese enclaves, which enable the non-French-speaking migrants to live and work, even if they are undocumented? The present research is based on a statistical and ethnographic survey conducted between 2014 and 2020 among Chinese women recently arrived alone in France. In addition to examining the macro-structural context -the influence of social-economic and political changes that explain the feminization of Chinese emigration- this thesis favors a case-study approach and proposes an analysis of the configurations of these women’s trajectories. The formulation of questions on the imagination about transnational labor mobility and about France enabled us to reconstruct the formation of the migratory project of 89 manicurists working in France. The survey also enabled us to draw up three profiles: “abandoned former state workers”, “mobile precarious workers” and “professional migrants”. This typology provides a parallel account of the three waves of migration that occurred in quick succession in the 2000s, and which accompanied the emergence of the professional manicure niche. The thesis shows the ambivalent character of the “ethnic enclave”, which acts as a “sas”, but in which these women find themselves subjected to moral and financial indebtedness, inducing a rather restrictive social control. Initially finding employment and housing through the traditional networks of Chinese emigration, structured by the region of origin (laoxiang 老乡), these women manage to extricate themselves from these relationships through manicuring, while fighting on their own against the administrative difficulties posed by their undocumented status. Over time, they have built up a new network of women from different parts of China, working for non-Chinese employers. They also train each other, using a horizontal training and mutual aid system known as shituzhi, a system of companionship between “sisters” (jiemei 姐妹) that ensures a place in a nail salon and a high level of mastery of nail techniques, which is supposed to respond to fashion, which is constantly changing. The nail technicians' housing, often downgraded compared to their standard of living before emigration, nevertheless ensures a form of freedom outside of the social rules in China (guanxi 关系), and their frugal but well-organized life enables them, outside the judgments of Chinese society, to prepare for a better situation on their return to China. Nevertheless, these undocumented immigrant women, who work in an irregular administrative situation, are exposed to exploitation as cheap workers in the manicure niche. The story of a high-profile strike led by these women and supported by French unions, which later ended in a court case with a wide spread of demands for professional and migrants rights, enables us to highlight the agentivity and inventiveness of these precarious workers.

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