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Alain Piveteau, « Le secteur automobile au Maroc. Manifestation locale d'une dynamique mondiale ou émergence industrielle décisive ? », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.6a4c9e...
Dans la version fordiste du capitalisme industriel, la production automobile forme le socle de la production industrielle et du rapport salarial, autrement dit du développement économique et de la transformation des modes de mise au travail. Les dérivées de cette centralité continuent d’alimenter le débat post-fordiste sur le développement économique quant à l’aptitude de l’industrie automobile et de son développement national à stimuler, dans la configuration actuelle des Chaînes de valeur mondiale (CVM), l’industrialisation des économies en développement. La littérature continue de souligner le rôle clef (key driver) de l’industrie automobile dans la création d’emplois, l’amélioration de la productivité, dans l’innovation et dans la transformation structurelle de l’activité économique. Empiriquement pourtant, le débat est loin d’être tranché. Aux succès Chinois, Thaïlandais, Mexicain et Turque, on oppose les échecs des politiques gouvernementales dans de nombreux pays d’Afrique, mais aussi en Australie. La difficulté à passer d’une entrée réussie dans les CVM de l’automobile, dominées par un groupe retreint de constructeurs et d’équipementiers mondiaux, au développement effectif d’une industrie automobile central pour le développement économique national reste élevée. Elle requiert, pour être levée, des politiques publiques ajustées aux marchés et au besoin d’accumulation d’actifs technologiques qui contrastent avec une simple stratégie d’attraction et de sécurisation des IDE. C’est la phase cruciale dans laquelle le Maroc semble pouvoir entrer. L’analyse sectorielle proposée dans ce chapitre vise à comprendre les origines et la nature de la discontinuité industrielle que représente l’émergence rapide d’une production manufacturière de véhicules automobiles puis à discuter de sa portée réelle et potentielle sur le développement économique du pays. Les réponses proposées tiendront compte à la fois des conditions externes, à savoir des profondes transformations du secteur automobile en général, et des conditions internes, qui restent déterminantes pour organiser l’intégration productive, sociale et territoriale d’une transformation productive originellement exogène. L’hypothèse pivot de la discussion pose logiquement le problème de la complémentarité et de la synchronie entre les conditions externes et internes. En sortant du normativisme néo-institutionnaliste prescrivant inexorablement la conformation des économies du Sud aux règles présupposées d’un marché global des produits, celle-ci soulève en fait une dimension plus complexe de la réussite économique : le rôle de la politique publique nationale pour relever le défi d’une synchronisation favorable au développement.Un premier point (1) rappelle les étapes de la trajectoire du secteur automobile marocain et de la transformation des dispositifs institutionnels qui l’ont accompagnée. L’analyse des statistiques-clefs du secteur (2) permet ensuite de relativiser le poids actuel de la production automobile dans le processus d’industrialisation – ou de désindustrialisation – tout en soulignant le potentiel présent. Le point (3) s’attarde sur les forces et faiblesses du positionnement à l’export de l’industrie automobile marocaine et sur l’enjeu de l’intégration locale. Enfin, le point conclusif (4), reprend sous forme de synthèse les perspectives et enjeux du développement du secteur automobile au Maroc.