2015
Cairn
Cécile Barbet, « Les verbes modaux sont-ils polysémiques ? Données d’eye tracking en lecture », Syntaxe & Sémantique, ID : 10670/1.6d1pj2
Cet article présente les résultats d’une expérience d’ eye tracking en lecture réalisée afin d’apporter des éléments de réponse à la question de la représentation en mémoire des verbes modaux devoir et pouvoir. La nature – homonymique, polysémique ou monosémique / sous-spécifiée – des modaux français est testée grâce à la manipulation du sens radical ou épistémique du verbe modal et du caractère neutre ou favorable au sens du contexte précédant le verbe. La lecture des phrases contenant devoir est plus facile quand il apparaît dans son sens radical que quand il apparaît dans son sens épistémique. Cet effet de fréquence relative, le sens radical étant le sens dominant des verbes modaux français, concorde avec l’hypothèse de la polysémie : si les sens sont représentés en mémoire, on s’attend en effet à ce que le sens dominant soit le plus facile d’accès et le plus facile à traiter. En revanche, un effet de la fréquence relative n’apparaît pas avec pouvoir. Au contraire, la première lecture du verbe même est facilitée par le sens épistémique, soit le sens non dominant, et la lecture générale des phrases contenant pouvoir est facilitée par les contextes favorables au sens. Les résultats obtenus avec les phrases contenant pouvoir s’accordent mieux avec l’hypothèse monosémique de la sous-spécification, postulant un sens unique sous-spécifié stocké en mémoire proche du sens épistémique, sens épistémique de pouvoir par ailleurs en réalité plus aléthique qu’épistémique comme nous essayons de le montrer. Les deux verbes modaux français sont traditionnellement étudiés ensemble car on part du principe que l’un est le pendant de l’autre dans son propre domaine modal – possibilité ou nécessité. Cette étude remet en question cet a priori.