18 octobre 2021
Gomez Jean-Luc, « L’épée et la plume : le général François Ingold (1894-1980), un colonial compagnon de la Libération », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.6exji9
I - Le contexte scientifique du projet :« L'École des Annales » fondée en 1929 par Lucien Febvre et Marc Bloch, prône une étude « totale » de l'histoire, et ne s'intéresse pas à la biographie. À partir des années 70, une nouvelle génération d'historiens privilégie l'étude des mentalités. Cette approche culturelle et ethnographique est à l'origine de la « Nouvelle Histoire ». À la même époque, un autre courant scientifique est né en Italie. Cette « micro-histoire » (« microstoria » en italien), s'intéresse en priorité à l'étude de l'individu, dont le parcours éclaire les caractéristiques de son environnement social, politique, etc. Quant à l'histoire militaire, dénigrée par « L'École des Annales », qui la trouvait trop « événementielle », elle suscite un regain d'intérêt depuis les années 70-80.Le travail de recherche dédié au général François Ingold s'inscrit dans ce contexte historiographique, caractérisé par un renouveau des travaux consacrés aux parcours individuels d'une part, et à l'histoire militaire d'autre part. Les sources identifiées à ce jour, notamment son dossier personnel conservé aux archives du Service Historique de la Défense (SHD), et au musée de l'Ordre de la Libération, mais aussi les nombreux ouvrages qu'il a écrits, permettent d'éclairer les deux facettes du personnage, à la fois soldat et écrivain.II - L'épée et la plume :Le général Ingold appartient à une génération de combattants qui furent les témoins et les acteurs des deux guerres mondiales, et des conflits dits « de la décolonisation ». Leurs biographies sont particulièrement intéressantes, car ils ont vécu une période charnière de l'histoire militaire.François Ingold fut aussi un écrivain très prolifique, à la fois historien (il a servi au service historique de l'armée de 1936 à 1939), essayiste, mais aussi poète et philosophe. Il est l'auteur d'ouvrages qui concernent l'histoire militaire, mais également l'empire colonial de la France. Dans ses écrits, il nous livre enfin des réflexions philosophiques d'une très grande humanité à propos de la fraternité, du crépuscule de l'existence et de la fin de celle-ci, etc.Le travail de recherche réalisé s'attache à mettre en exergue la dualité du personnage : le combattant et l'écrivain.III - « La revanche », les colonies et la Libération :Le général Ingold appartient tout d'abord à cette génération d'Alsaciens-Lorrains qui ont combattu pendant la Grande Guerre pour que leur région soit à nouveau française. Cet esprit de « revanche » l'a animé une nouvelle fois après la défaite de 1940.Les colonies ont marqué ensuite profondément sa vie de soldat et d'écrivain. En Afrique et à Madagascar, François Ingold s'inscrit dans la tradition des cadres qui ont participé à la conquête de l'empire. Il est en effet à la fois un chef militaire, un bâtisseur, et un administrateur.Son engagement est indissociable enfin des combats qui ont permis de libérer la France occupée (il participe aux campagnes de Libye et de Tunisie). En février 1958, il est nommé chancelier de l'Ordre de la Libération. Sa conscience et sa conception de l'honneur le conduisent à démissionner d'abord du haut tribunal militaire chargé de juger les putschistes d'Alger puis, en août 1962, de sa fonction de chancelier.Il paraît certes illusoire de chercher à théoriser et « modéliser » une biographie, en partant du singulier pour en déduire des enseignements collectifs, car chaque parcours individuel est par essence unique. L'étude de l'itinéraire de François Ingold contribue cependant à une approche « anthropologique » des Alsaciens-Lorrains qui ont combattu pendant les deux guerres mondiales, des cadres coloniaux, des Français libres, et des Compagnons de la Libération.