L’ouvrier, l’entretien et l’évolution : l’appropriation de la Loi 2014 dans une usine automobile

Résumé Fr En

L’article analyse la façon dont « l’entretien professionnel », rendu obligatoire par la loi no 2014-288, a été « endogénéisé » par les entreprises, en se fondant sur l’étude de cas d’une usine de l’industrie automobile. L’analyse croisée d’entretiens et de documents d’entreprise met en lumière un processus d’appropriation stratégique de l’entretien professionnel par le département des ressources humaines ainsi qu’une certaine hybridation de celui-ci avec l’entretien annuel. Le texte montre également que les salariés n’expriment pas systématiquement des perspectives d’évolution ou de formation et que la gestion de l’évolution professionnelle reste fortement liée à l’organisation du travail et à la discipline, dimensions qui échappent à l’entretien professionnel. Enfin, l’article pointe deux effets inattendus de la conduite de l’entretien : celui-ci peut, d’une part, constituer l’occasion d’un échange entre l’ouvrier et son supérieur et fournir, d’autre part, un cadre dans lequel les salariés donnent leur avis et expriment des préoccupations relatives à leur travail.

Since 2014, companies located in France have to conduct so-called « professional interviews » where career options have to be discussed with the staff. This paper analyses the way companies have ‟endogenized” this new law. Drawing upon the case study of a production plant of a multinational automobile manufacturer (combining interview and document analysis), the article shows first that the human resources department strategically appropriates the new instrument. Second, employees do not necessarily express perspectives of professional development : career pathways are closely linked to work organization and to performance evaluation, topics that are not part of the new interview. Finally, the article shows unintended effects of the new legislation : employees use the interview to talk in private with their superior and seize them as an opportunity to express dissatisfaction with their working conditions.