20 mai 2021
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Rémi Boivin, « Comment le rap construit sa centralité à Marseille ? », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.6kmj78
Comment s'opère l'association entre un répertoire culturel et un territoire urbain ?À partir d'une enquête ethnographique auprès d'artistes marseillais, Rémi Boivin met en lumière les « ressources écologiques » que ces derniers mobilisent pour construire à Marseille la centralité du rap. Peut-on associer un répertoire culturel et un territoire ? Cet article se propose de mettre ce questionnement à l'épreuve d'un cas empirique : le rap à et de Marseille au cours des années 2010. En s'appuyant sur une enquête menée entre 2012 et 2016 (Boivin 2020), il s'intéresse à l'existence sociale des musiques en milieu urbain à partir de la description de leurs modes d'apparition publique et de leurs mises en scène par le territoire. Construit par un ensemble d'images, de récits circulant à l'intérieur et à l'extérieur de la ville, et actualisé par des pratiques, un imaginaire du lieu participe à définir Marseille comme « l'autre capitale du rap français » (Lafargue de Grangeneuve 2006), « un laboratoire privilégié » (Valnet 2013) du mouvement hip-hop en France, c'est-à-dire « la seule ville qui rivalise avec la région parisienne en termes de production et de diffusion de ce genre musical » (Cachin 2000). Fondé sur le succès commercial de certaines productions et la réputation d'artistes issu•e•s de Marseille 1 , cet imaginaire raccorde des traits définis comme essentiels de la ville (tantôt « populaire », « cosmopolite », « rebelle », « sale », ou « chaotique ») avec des attributs perçus comme propres au rap, pensé comme populaire, militant et politisé par essence (Hammou 2012). Cette association, en tant que processus croisé de territorialisation d'un répertoire culturel et de marquage culturel d'un territoire, semble cependant loin d'aller de soi. L'enquête ethnographique conduit au contraire à relever la rareté des traces du rap dans l'espace public du centre-ville.