2021
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Gilles Ménard et al., « L'écroulement de la Dent du Loup (Sassenage).Approche du risque potentiel d'instabilité.Datation d'épisodes d'écroulement et de coulées de boue. Conditions de rupture et de mise en place », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.6mckda
L’écroulement de la Dent du Loup (Sassenage, Vercors septentrional, Alpes occidentales),de même que la plupart des grands écroulements dans les Alpes, est classiquement considéré commeun événement consécutif au dernier retrait glaciaire. Une analyse morphologique et des datations(14C, 36Cl et U/Th) effectuées sur 6 sites dont 3 sites de forages montrent que la masse écrouléerésulte d’au moins quatre épisodes ou groupes d’épisodes s’échelonnant entre 18 ka et l’époquemédiévale. Les deux premiers épisodes, respectivement d’âges > 18 ka et compris entre 11,2 et 10ka, affectent le Sénonien. Ils proviennent du haut du versant et ont atteint le milieu de la vallée. Lepremier implique une absence d’englacement du versant à 350 m d’altitude à 18 ka.La masse déposée par le deuxième épisode se rajoutant à celle du premier a guidé le tracéd’une gouttière d’érosion dans les alluvions lacustres de la vallée, laquelle a ensuite été comblée pardes alluvions fluviatiles grossières. Le troisième épisode, daté à 6,5 ka, qui affecte l’Urgoniensupérieur provient d’une niche clairement identifiée dans le versant. Le quatrième groupe d’épisodes(entre 2,9 et le Moyen Âge) implique des volumes unitaires moindres que les épisodes précédentset provenant de la partie basse du versant. Ce groupe associe coulées de boue (entre 2,7 et 2,2 ka,ainsi qu’en 1928) et épisodes d’écroulement. L’épisode à 2,7 ka s’accompagne d’un dépôt fincarbonaté de 2 m d’épaisseur. Ce dépôt exceptionnel est interprété comme le résultat du lessivagepar des eaux de ruissellement du nuage de poussière accompagnant l’écroulement. Le ruissellementinvoqué est le résultat de la mise en charge et du débordement d’un réseau karstique situé sous lapartie haute du versant. Ce phénomène de coulées s’est répété pendant quelques siècles sans êtresystématiquement associé à des épisodes d’écroulement. S’il nécessite un déboisement préalable duplateau qui surmonte le versant, son enregistrement semble toutefois contrôlé par la formation depièges sédimentaires créés par l’épisode à 2,7 ka.La reconstitution de l’état du versant avant chaque épisode d’écroulement montre qu’ilexistait à chaque fois une butée en pied. La longueur de cette butée relativement à la longueur de larupture couche sur couche est d’autant plus grande que l’événement est jeune. Cette observationrenforce une analyse du mécanisme de rupture en termes d’endommagement progressif. Cemécanisme complète et précise le classique mécanisme de debuttressing qui s’applique au nouvelétat non endommagé du versant façonné par le glacier. Cet endommagement progressif est jusqu’icisupposé s’activer également dès le retrait du dernier glacier. Dans notre cas, selon l’âge de ladernière occupation de la cluse par le glacier (supérieur à 30 ka ou au LGM) l’endommagementprogressif peut être envisagé sur une durée bien plus longue que dans le schéma classique.Il n’apparait ainsi pas que le climat ait été un facteur déterminant pour le déclanchement desinstabilités. Seul l’épisode à 11,2-10 ka pourrait avoir été favorisé par la fonte du permafrost de lafin du Dryas récent. De manière analogue si les coulées de boues sont bien associées à des pluies defréquence centennale, leur occurrence nécessite en outre que le plateau sus-jacent soit déforesté.L’aléa de rupture de l’Urgonien supérieur encore en place au sud de la niche est difficile à quantifier.Il reste préoccupant dans la mesure où l’on comprend mal sa stabilité apparente alors que dans lamême configuration l’Urgonien de la niche s’est écroulé. Le seul aléa quantifiable est celui associéaux coulées de boue, lequel peut être estimé à 0,01 (probabilité des pluies centennales).