27 octobre 2023
Pedro Valinho Gomes, « Sola Traditio. Une théologie du témoignage », HAL-SHS : histoire des religions, ID : 10670/1.6nfrom
La présente recherche se propose une théologie systématique du témoignage. L’intuition qui préside à l’étude est que la catégorie du témoignage, distinguée et dûment articulée avec sa contrepartie théologique (la révélation) est centrale au projet théologique : d’une part, parce que le témoignage se présente comme la seule matière sur laquelle la théologie est invitée à travailler pour penser un discours sur Dieu redevable de l’événement christique et sans laquelle la théologie n’aurait pas son objet, sa méthodologie, sa grammaire et son lexique ; d’autre part, parce que la notion de témoignage permet de situer correctement l’espace de l’action libre de Dieu et de la personne humaine, en évitant des mythologisations théologiquement invalides de l’action de l’un ou de l’autre. Telle est donc la question de cette étude : En quel sens peut-on prétendre qu’une parole ou une action humaine puisse signifier Dieu ou, qui plus est, devienne le lieu où Dieu parle ?S’appuyant prioritairement (mais pas exclusivement) de manière critique sur le cadre référentiel proposé par Karl Barth, la thèse situe le témoignage (même le témoignage canonisé, qu’il soit biblique ou biographique) au seuil de la révélation : c’est dire qu’il ne peut être pensé comme l’offre d’une parole définitive sur Dieu (et encore moins de Dieu), mais comme la transmission d’un travail d’interprétation de ce que l’on croit être la Parole de Dieu. Le témoignage est donc défini comme sola traditio, en brouillant la distinction courante dans le débat théologique entre Écriture et tradition. Pour que le témoignage garde sa portée théologique, la thèse propose de penser l’actualité de la révélation ici et maintenant, à travers ce qu’on a appelé la dialectique de l’immédiateté médiatisée : d’une part, Jésus-Christ reste ici et maintenant le sujet de sa révélation ; d’autre part, la révélation dont Jésus-Christ a l’initiative et constitue l’objet ne dispense pas, mais au contraire interpelle et suscite le témoignage de ceux qui accueillent la révélation.Dans ce cadre conceptuel, la thèse se confirme : la révélation est l’action immaîtrisable de Dieu en Jésus-Christ et le témoignage, tant biblique que kérygmatique, forme un tout interprétatif de cet événement de révélation ; si la théologie vise à comprendre la révélation, elle ne travaille qu’avec la tradition du témoignage et ce n’est qu’à travers le témoignage qu’elle peut humblement viser à comprendre l’événement christique de la révélation. Ainsi, rien n’est théologique qui ne soit testimonial. C’est pourquoi le témoignage peut être décrit comme une disposition pratique de la théologie et la théologie comme une disposition critique du témoignage. La tradition vit du va-et-vient de ces deux mouvements complémentaires. Sola traditio décrit le jeu interprétatif que la théologie est appelée à critiquer. Et que cela soit « Sola traditio », cela se traduit, dans la pratique théologique, par une attention particulière au jeu interprétatif (parce que toute parole testimoniale est une parole interprétative et donc contextualisée dans un lieu de parole) et par une attitude d’humilité dogmatique devant la Parole (parce qu’aucune parole testimoniale n’est la Parole définitive).